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Sous les murs renversés par nos fureurs civiles,
Chanteur à la campagne et muet dans les villes,
Par les vieux chroniqueurs en nos vieux temps versé,
Pour guérir le présent j’évoque le passé;
La pauvreté chrétienne, au luxe je l’oppose.
Et l’humilité douce à notre orgueil morose.
Ineffable bonheur des immenses amours,
Etes-vous donc perdu, calme des anciens jours?...

Je sais encore un être et souriant et calme,
Qui des morts bienheureux vivant porte la palme !
Ce pauvre volontaire, ami de l’indigent,
Passe le front baissé quand tarit son argent;
Car, les bras en avant, sur ses pas accourue.
Une foule le guette à chaque coin de rue.
Femmes, enfans, vieillards. Lui va semant son bien.
Puis il dit: « Pardonnez, hélas! je n’ai plus rien. »
Prêtre, honneur de Kemper, pardonne aussi, digne homme.
Si, blessant ta vertu modeste, je te nomme.
Mais, dans l’humble sentier par toi-même affermi,
J’ai voulu dire au ciel : J’eus un saint pour ami!
Quand d’autres vont suivant quelque ambition basse,
Bonheur de recueillir un mot du saint qui passe !
O bonheur de passer fier devant la fierté,
Et de s’humilier devant l’humilité!
A ta mort on verra, fils d’une paysanne.
Les pauvres s’arracher les pans de ta soutane.
Et près de ton cercueil tout un peuple fervent,
O serviteur de Dieu canonisé vivant !

IV.


LA RONDE SAINTE.


A ***.


Heureux sous vos taillis, aimez, sages époux.
Tous les humbles bonheurs naissant autour de vous.

A l’horizon chantait, murmurante et confuse,
La chanson d’une cornemuse;
Des pâtres s’étaient pris par la main et dansaient,
Tous les yeux enfantins luisaient;

A l’heure où le soleil vers l’Océan décline,
J’allais errant sur la colline;