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O calme, il faut chercher tes abris sur la terre !
Autrefois tu régnais en plus d’un monastère,
Nous disent les anciens : le travail journalier,
L’emploi de chaque instant paisible et régulier,
La nourriture sobre, herbes, simple laitage,
Apaisaient les aigreurs, d’Eve triste héritage,
Et la prière enfin, s’élevant vers le ciel.
Sur les cœurs épurés redescendait en miel.

II.


Tel, grand saint Wennolé[1] (de la sainte Armorique
Premier abbé), tel fut le monastère antique.
L’asile merveilleux qui s’ouvrit à ta voix
Sur le bord de la mer, aux lisières des bois.
Fuyant le clan royal, la famille et ses charmes,
Tout, et même l’éclat étincelant des armes.
Tu voulus ici-bas vivre en contemplateur.
De la céleste vie ô candide amateur !
Et des enfans pieux, tes compagnons d’étude.
Te suivirent fervens dans cette solitude.
Le poil noir d’une chèvre était ton vêtement;
Un pain d’orge grossier, sans sel, ton aliment...
Délicieux jardin cependant, frais royaume,
Vrai paradis terrestre, Éden où tout embaume :
Là de l’ombre, des fleurs et des fruits savoureux,
Parure de l’autel, régal des malheureux;
A l’aurore, on voyait, sur les roses vermeilles.
Des anges voltiger, lumineuses abeilles.
Et la nuit, quand le chœur léger venait encor,
Les harpes de cristal avec leurs cordes d’or.
Sur l’église, l’enclos, les cellules bénies,
Versaient incessamment des ondes d’harmonies.
Voilà comme des saints florirent ici-bas :
Ils vieillissaient en Dieu, mais ils ne mouraient pas.

III.


Vous mourrez sur votre or, nouveaux païens du monde,
Desséchés dans les bras de votre idole immonde !
Vous fuyez l’idéal, l’idéal vous a fuis.
Sur vos calculs sans fin et vos sombres ennuis
Le ciel n’épanchera ni concerts, ni rosée,
Et votre avare soif ne peut être apaisée,

  1. Ou mieux Gwennolé, Tout-Blanc.