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II.


BRITA.



De l’Aber-Ildût, en Léon.


I.


UN VOYAGEUR.


L’air brûle, des sillons sort une acre fumée ;
Immobile, la mer brille comme enflammée.
Iles qu’on voit au loin calmes sous le ciel bleu,
Par cet ardent juillet quand la mer est en feu,
Heureux sont vos pêcheurs !… Vêtu de simple toile,
Oh ! s’endormir bercé sous l’œil clair d’une étoile,
Boire la brise fraîche et, sous les noirs îlots,
Parmi les gais poissons se jouer sur les flots !

UN HOMME DE LA CÔTE.


Une barque d’Ouessant[1], seigneur, vient à la rame ;
Elle approche ; à la barre est une jeune femme :
Vous pourriez en retour suivre ces iliens,
Bonnes gens aujourd’hui, bien que fils de païens…

Tandis que les rameurs amarraient près du môle
(Ton havre, ô saint Ildût), et que sur son épaule
Chacun péniblement chargeait un sac de grain,
La vierge aux grands yeux pers, mais voilés de chagrin,
Telle qu’une sirène en surgissant de l’onde,
Sur son col répandait sa chevelure blonde,
Et pieds nus s’avança vers l’église du lieu ;
Tout me dit qu’elle allait pour accomplir un vœu :
À cette allure ferme, à cet air de rudesse,
On t’eût prise, ô Brita, pour une druidesse !

II.


Or, ses vœux accomplis, au patron de l’Aber
Elle disait, la vierge, au front large, à l’œil fier,
Debout devant l’église, elle disait tranquille :
« Pourquoi, gens de la terre, admirer ceux de l’île
Sommes-nous pas Bretons et frères en Jésus ?
Eussâ n’a plus la pierre et les bosquets d’Eusus.

  1. En breton Eussâ, île du dieu Eusus.