Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/858

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

choses, la valeur réciproque est variable. Il fait voir que l’admission sur le même pied, dans le système monétaire d’un état, de l’or et de l’argent serait une iniquité à l’égard de tout créancier, en ce que celui-ci serait toujours payé avec celui des deux métaux dont la valeur serait la moindre au moment où le débiteur aurait à se libérer. Il insiste sur une autre considération, qui est décisive : si les deux métaux sont de pair devant la loi, le gouvernement, ayant la faculté de chevaucher de l’un à l’autre, éprouvera irrésistiblement la tentation de se livrer à cette manœuvre, parce que le propre des gouvernemens est d’être toujours plus ou moins à court, et qu’il trouvera le moyen d’alléger ses charges en acquittant ses engagemens avec celui des deux métaux dont la valeur proportionnelle aura baissé. Il n’y aura qu’à rapporter alternativement la valeur de l’or à celle de l’argent, et la valeur de l’argent à celle de l’or, pour diminuer successivement le fardeau de la dette nationale, par exemple, au détriment des créanciers de l’état et au grand dommage de la morale publique, et non sans occasionner de grands dérangemens dans les intérêts privés. Ainsi, quand l’or aura monté de valeur par rapport à l’argent, l’état ne fera ses paiemens qu’en ce dernier métal, et les débiteurs particuliers ne manqueront pas de suivre cet exemple : la loi les y autorisera. La chance tourne; d’abondantes mines d’or sont découvertes; l’or, au lieu de valoir quinze fois et demie son poids d’argent, ne vaut plus que quatorze, puis treize, pour descendre à douze et à dix : on laisse les choses suivre leur cours, et un beau jour, sous prétexte de consacrer les faits accomplis, on décide par une loi que le rapport légal entre les deux métaux, au lieu d’être exprimé par 15 1/2, le sera par 14 ou par 13. Puis, à quelque temps de là, l’on substitue à cette proportion celle de 10; on s’acquitte désormais avec 10 kilogrammes d’or là où le créancier avait compté qu’il en aurait 15 1/2, ou une quantité d’argent équivalente. Un peu plus tard, les mines d’argent sont plus productives, l’exploitation de l’argent se développe, et la valeur de ce métal se remet à baisser : suivant les mêmes erremens, du rapport de 1 à 10, on remonte successivement à celui de 1 à 12, 13, 14, 15, 15 1/2 ou au-delà. L’état et les autres débiteurs ne se libèrent qu’en argent, ou s’ils paient en or, ils n’en donnent plus qu’une quantité qui est diminuée, par rapport à ce qu’il en eût fallu pendant la période précédente, dans la proportion de la chute de l’argent. Une nouvelle oscillation fait descendre la valeur de l’or : c’est l’or déprécié qui redevient le type des valeurs, et c’est à lui qu’on rapporte l’argent, dont les pièces perdent une nouvelle portion de leur poids. A chacune de ces volte-face, le créancier est dépouillé de quelque chose, jusqu’à ce qu’à la fin il reste à peu près nu; le franc, qui à l’ori-