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détaillée. C’est en m’attachant aux considérations les plus générales qui dominent chaque sujet que je voudrais faire apprécier quel a été et quel est encore le rôle de M. Agassiz comme naturaliste philosophe, comme novateur, comme agitateur scientifique. Cette expression n’étonnera aucun de ceux qui connaissent le caractère enthousiaste, l’éloquence, l’esprit communicatif du célèbre géologue, aucun de ceux qui savent qu’à l’université de Cambridge, dans la calme atmosphère de la Nouvelle-Angleterre, il a conservé toute l’activité de la jeunesse.

Les sujets traités par M. Agassiz sont d’une nature si variée, qu’il serait impossible de s’astreindre ici à l’ordre purement chronologique. Dans l’ensemble de ses travaux, ses recherches et ses théories sur les glaciers forment un groupe distinct qui s’offre d’abord à l’attention. Ensuite il faudra se transporter avec le savant naturaliste dans le domaine des études zoologiques et paléontologiques, puis exposer ses vues sur la coordination des formes organiques et sur la classification des êtres.


I. – TRAVAUX SUR LES GLACIERS ET LA PERIODE GLACIAIRE;

L’étude des glaciers rentre dans le domaine naturel de cette science qui, sous le nom de géographie physique, décrit les traits les plus généraux de la configuration terrestre. Récemment néanmoins la géologie s’est emparée de ce sujet, depuis qu’on a essayé d’expliquer par le mouvement d’anciens glaciers le transport des blocs de rocher qu’on nomme erratiques, et qui sont disséminés dans certaines régions, notamment autour de la chaîne des Alpes. Avant M. Agassiz[1], on admettait généralement que les blocs erratiques avaient été entraînés au loin, à la suite du déversement d’anciens lacs ou de déluges subits. M. Agassiz, remarquant que les glaciers ont aujourd’hui encore le pouvoir de porter à d’assez grandes distances les débris qui tombent du sommet des montagnes, imagina que les blocs erratiques ont été amenés à la place où nous les voyons par d’anciens glaciers, beaucoup plus étendus que ceux que nous connaissons aujourd’hui, et qui depuis ont reculé ou même entièrement disparu.

Deux ingénieurs du Valais, M. de Venetz, puis M. de Charpentier, avaient les premiers proposé sur les lois du mouvement des glaciers quelques explications où se trouvait comme en germe la théorie

  1. Deux publications résument les travaux de M. Agassiz sur les glaciers ; ce sont : Études sur les glaciers, Soleure 1840, 8 vol. in-8o, avec 32 pi. in-fol. ; Système glaciaire, ou Recherches sur les glaciers et leur mécanisme, avec un atlas, Paris 1847.