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s’arrêtera même pas quand le boulet sera parvenu au fond, parce que les puissans courans qui traversent la mer continueront à l’entraîner ; mais comme la vitesse de ces courans est constante, et incomparablement plus lente que celle d’un boulet tombant d’une prodigieuse hauteur, un hydrographe un peu exercé n’aura aucune peine à distinguer ces deux périodes du déroulement, et à estimer celle qui se rapporte à la chute seule du boulet. Cet appareil si commode a été perfectionné encore par le lieutenant Brooks, de la marine américaine. Dans son système, le boulet, arrivé au fond, se détache de lui-même, et la ficelle ramène, quand on la remonte, un petit cylindre rempli de la substance qui compose le lit de la mer. On peut obtenir ainsi des spécimens du fond de l’Océan aux plus étonnantes profondeurs. Ces ingénieuses dispositions ont permis au lieutenant Berryman de sonder en 1855 la partie de l’Atlantique qui s’étend entre l’Irlande et Terre-Neuve. La nature semblait indiquer ces deux îles comme les termes de la grande ligne destinée à unir les deux continens, dont elles sont les sentinelles avancées, et les recherches hydrographiques se trouvèrent d’accord avec cette indication. Le lit de la mer s’abaisse rapidement à partir des côtes d’Irlande, mais atteint bientôt une profondeur à peu près constante qu’il conserve sur une immense étendue. Cette plaine marine, qu’on nomme déjà le plateau télégraphique, s’étend à trois kilomètres environ au-dessous du niveau de l’Océan. La sonde n’y a trouvé ni sable ni argile ; plus vaste et plus unie que les steppes et les déserts de nos continens, elle est entièrement formée par des animaux microscopiques qu’on nomme infusoires. Couvrant, durant leur vie éphémère, les chaudes mers des tropiques, ils tombent après leur mort au fond des eaux, et les courans sous-marins les amènent à ces calmes profondeurs, où leurs délicates carapaces se conservent pour toujours à l’abri des tempêtes qui bouleversent la surface de l’Océan. Le fond de la mer, qui, au milieu de l’Atlantique, atteint jusqu’à 3,900 mètres, s’élève doucement vers le continent américain, jusqu’auprès de Terre-Neuve, où il forme un talus rapide, comme sur la côte d’Irlande. Ces premiers sondages, exécutés sur l’Arctic, furent vérifiés et complétés par le bateau à vapeur anglais le Cyclope, qui parcourut dans les deux sens la ligne qu’on avait choisie pour établir le télégraphe atlantique. La distance entre Valentia, sur la côte d’Irlande, et Saint-Jean de Terre-Neuve, qui doivent en former les extrémités, est de 2,640 kilomètres en ligne droite.

Les promoteurs du télégraphe atlantique virent leurs espérances justifiées par la découverte de ce plateau, qui semblait tout préparé pour recevoir le dépôt précieux qu’on devait lui confier : on le comprendra aisément si l’on se rend compte de la façon dont s’opère l’immersion d’un câble sous-marin. On commence par le charger,