Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/797

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le professeur Morse, de New-York, conçut le premier l’idée d’établir une communication électrique sous-marine entre les États-Unis et l’Angleterre. Trois ans après la pose du premier câble télégraphique en Europe, le gouvernement colonial de Terre-Neuve accorda à une compagnie la concession de cette ligne, lui alloua une subvention, et lui garantit des droits exclusifs sur la côte entière de Terre-Neuve et du Labrador, Les gouvernemens de l’île du Prince-Edouard et de l’état du Maine lui offrirent peu après de semblables privilèges; mais ces concessions, comme tant d’autres qu’emporte l’oubli, seraient restées à l’état de lettre morte, si la confiance, que les plus téméraires seuls accordèrent d’abord, n’avait bientôt été justifiée par des études décisives, dont il est indispensable de faire connaître les résultats : nous voulons parler des études hydrographiques exécutées dans l’Océan-Atlantique, et des expériences entreprises en Angleterre sur le mouvement de l’électricité dans les câbles sous-marins.

Il importait d’abord de connaître avec précision la forme du grand bassin que remplit l’Atlantique, pour choisir la route qui présenterait le moins d’obstacles à l’immersion d’un câble, et diriger avec quelque sûreté cette délicate opération. Malheureusement ce qu’on pourrait nommer la géographie du fond de la mer est une science encore toute nouvelle. Les mystérieux abîmes qui séparent nos continens nous sont inconnus dans leurs profondeurs. Tous les marins savent quelle difficulté on éprouve à exécuter des sondages rigoureux aussitôt qu’on s’éloigne à une distance un peu considérable des côtes. Le moyen qu’on emploie d’ordinaire consiste à laisser tomber un poids très lourd, attaché à une corde, et à mesurer combien il s’en déroule jusqu’au moment où l’on sent que le poids touche le fond de la mer; mais ce procédé ne donne plus aucune indication précise quand la profondeur devient très grande : le frottement de l’eau, le poids même de la corde, ne permettent guère d’apprécier l’instant où la sonde a porté. D’ailleurs la corde ne descend jamais en ligne verticale, elle se replie en sens divers sous l’influence des courans sous-marins. C’est pour ces motifs qu’on ne peut accorder aucune confiance à certains sondages qui ont accusé en quelques parties de l’Océan-Atlantique des profondeurs vraiment incroyables. Depuis longtemps, on a imaginé une foule de moyens plus ou moins ingénieux pour remédier à ces difficultés : le système adopté aujourd’hui par la marine américaine nous paraît le plus simple en même temps que le plus rigoureux.

Qu’on jette à la mer un boulet attaché à une très mince ficelle qui se déroule librement, il tombera avec une vitesse toujours croissante, jusqu’à ce qu’il aille s’enfoncer dans le lit de l’Océan. Pendant ce temps, la ficelle se dévidera de plus en plus rapidement; elle ne