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gnons étalent leurs parasols à Terra-Rossa. Maintenant nous voici dans un pays qui avec plus de fraîcheur et de variété rappelle la Provence. On marche vers la mer à travers d’heureuses vallées, et l’on rejoint à Sarzana la grande route de Florence à Gênes. Cette route est comme une continuation de la fameuse Corniche, qu’elle surpasse en beauté. Sarzana, qui pourrait être en Toscane, est en Piémont, ou pour mieux dire en Ligurie. C’est une jolie ville, placée en terrasse sur une belle plaine limitée d’un côté par les montagnes. Il lui est décidément échu une célébrité dont elle ne jouit guère. Il paraît peu douteux qu’elle soit, le berceau de la famille de l’empereur Napoléon. Les recherches d’un archiviste de Florence établissent que le nom de Bonaparte fut un surnom d’une branche de l’ancienne famille des comtes de Fucecchio, établis dans le voisinage de Sarzana. Cette branche émigra en Corse, et ses descendans devinrent français en même temps que leur patrie. Je ne venais point chercher ces souvenirs, et après un repos de quelques heures dans une jolie auberge, très préférable à celles qu’on trouve ordinairement en Italie, même dans les villes du second ordre, je rendis ma visite à la cathédrale, édifice gothique-italien du XIVe siècle. Grâce au voisinage de Carrare, elle est toute en marbre blanc. C’est un luxe auquel il faut s’habituer, quand on aborde le rivage ligurien et que l’on marche vers Gênes la Superbe. De grands arceaux à plein cintre donnent à l’intérieur beaucoup de dignité, et le sanctuaire étincelle de dorure. Ce faste religieux dans les villes les plus modestes cause toujours un certain étonnement. Une calèche légère, suivant une route dont une partie sera dans peu un chemin de fer, me conduisit, tantôt en s’éloignant, tantôt en se rapprochant de la mer, mais toujours par des contrées riches et pittoresques, à la Spezzia.

Ce nom est connu par des discussions importantes au parlement de Tavin. On sait que le gouvernement piémontais, accomplissant un projet de l’empereur Napoléon, veut transporter à la Spezzia son grand établissement de marine militaire, en abandonnant le port de Gênes exclusivement à la navigation marchande. L’avis des hommes compétens et le seul aspect des lieux montrent combien ce projet est fondé en raison, et je souhaite bonne et glorieuse fortune au nouvel établissement. En attendant, bornons-nous à jouir de l’incomparable vue du golfe de la Spezzia. Je crois volontiers qu’il peut rivaliser avec toutes les baies célèbres par un beau rivage, sur une belle mer, sous un beau ciel. Qu’on se figure l’anse d’Éon plus vaste, plus profondément enfoncée dans les terres, formant une courbe plus circulaire, et la même mer poussant mollement ses flots bleus, sous un soleil resplendissant, contre une