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salles dites nouvelles, qu’il faut réunir, dans un commun examen, à celle de l’Assunta. Là Titien se retrouve égal à lui-même, fin très grand cadre est rempli plus d’à moitié par le profil d’un escalier en plein air, servant de perron au temple de Jérusalem. Au haut de l’escalier se tient le grand-prêtre des Hébreux; sur le palier du milieu, une petite fille d’environ douze ans est entourée d’une auréole lumineuse; au bas, on voit un groupe de Vénitiens en robes flottantes. Cette Présentation de la Vierge est une composition très simple, et cependant singulière, relevée par une exécution supérieure. En présence de ce Titien, Paul Véronèse, qui s’était un peu effacé, se remontre ici dans sa gloire. Une Vierge est assise sur un trône monumental. Devant, en acrotère, un petit saint Jean debout qui a beaucoup de tournure regarde le divin enfant, et, tout autour, par un anachronisme convenu, se rangent des saints, entre lesquels saint François n’est pas oublié. Sur une autre toile, horizontalement très longue, on voit à l’une des extrémités un ange, à l’autre la Vierge; tout l’espace intermédiaire est rempli par une belle architecture. C’est une Annonciation composée d’une manière neuve. Enfin un cadre énorme occupe tout le fond d’une salle, et nous montre, dans les proportions des Noces de Cana, avec le même luxe d’accessoires et les mêmes effets de lumière, le repas dans la maison de Lévi. C’est le quatrième et ce n’est pas le moins remarquable des quatre grands banquets de Véronèse. Ces trois tableaux sont de la meilleure manière de ce peintre, dont les ouvrages sont splendides et jamais sublimes. Cependant, le jour où je les vis, on avait apporté de Saint-Jean-et-Paul à l’Académie, pour quelque réparation, une Nativité du même maître, tableau d’une fraîcheur admirable, et plus simple de composition que ses ouvrages ordinaires. Il m’a beaucoup frappé. Je n’en puis dire autant de son Paradis, rempli confusément de bienheureux en grand costume. C’est une Jérusalem céleste tout officielle, l’almanach royal du royaume des cieux. Cette cohue dorée n’est guère qu’amusante à regarder.

Presque au premier rang des richesses de cette collection, je mettrais une Présentation de Jésus au temple de Victor Carpaccio, qui réunit à un haut degré les qualités distinctives de l’école vénitienne; le riche Épulon de Bonifacio, dont la couleur dorée est d’un ravissant effet; un Saint Laurent Giustiniani du Pordenone, où se posé une grande figure dantesque en surplis blanc d’un effet saisissant; enfin un Paris Bordone représentant la suite du miracle de saint Marc, dont un pêcheur rapporte l’anneau au doge de Venise. Ce tableau, que je préfère à la peinture du miracle même par Giorgione, m’a rappelé pour le ton la Chapelle Sixtine de M. Ingres. D’autres tableaux d’un genre encore plus anecdotique, par Gentile Bellini,