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céder aux instances de la reine, qui s’est plu à tempérer par beaucoup de bonne grâce ce qu’il y avait de désagréable dans cet incident pour le ministre de la marine. Tel a donc été le dénoûment pour aujourd’hui. Il reste à savoir-si les difficultés dont cette crise n’est qu’un symptôme ne se renouvelleront pas. Le malheur pour l’Espagne, c’est que la situation qui existe actuellement ne date pas des incidens récens; elle remonte plus haut, elle tient à tout un ensemble de circonstances, à la désunion du parti modéré, à la politique qui a été suivie. Le cabinet de Madrid croit garantir encore aujourd’hui la sécurité du pays et sa propre sécurité en déployant contre les journaux toutes les rigueurs de la dernière loi sur la presse, en ordonnant tous les matins des saisies et des poursuites. Il se trompe, il ne fait qu’ajouter au fractionnement du parti modéré, et par là il diminue sa propre force, au lieu de chercher son vrai point d’appui dans toutes les fractions conservatrices ralliées sur le terrain d’un sage et prudent libéralisme. Il en résulte qu’à l’ouverture des cortès, qui doit avoir lieu dans un mois, le ministère risque de se trouver encore dans la même situation où il était lorsque les chambres se sont réunies pour la première fois au mois de mai, c’est-à-dire que rien ne le menacera en apparence, et que cependant il sera obligé de lutter péniblement pour obtenir des victoires précaires, pour éviter les écueils. Le général Narvaez, on n’en peut douter, a l’intelligence de cette situation et de la politique qui serait nécessaire à l’Espagne. S’il ne pratique pas avec une efficacité plus décisive cette politique, c’est qu’évidemment il rencontre des obstacles, placé qu’il est aujourd’hui entre les dissentimens qu’il a eus avec la couronne et l’appui peut-être problématique des chambres. Là est justement la question, de sorte que la crise qui vient de se dénouer heureusement pourrait bien encore être suivie de crises nouvelles, s’il n’y avait la difficulté de trouver de nouveaux hommes et le grand danger de recommencer l’histoire dont la révolution de 1854 fut le triste dénoûment.

La Hollande est plus heureuse; elle n’a point de crise. Aujourd’hui elle est tout entière à la préoccupation de ses intérêts économiques. La dernière difficulté qu’elle ait eue, et qui naissait de la loi sur l’instruction primaire, a été favorablement résolue. Il s’ensuit que les états-généraux, qui viennent de se rassembler de nouveau à La Haye, n’ont plus devant eux cette dangereuse perspective de discussions brûlantes. En quelques semaines en effet, la Hollande a vu se clore la session législative de 1856-1857, et s’ouvrir une session nouvelle. La clôture des chambres était prononcée, il y a un mois, par le ministre de l’intérieur. C’est le roi cette fois qui a voulu inaugurer les travaux de la nouvelle session, et dans le discours adressé aux chambres il n’a eu à constater que des résultats heureux, le calme du pays, la prospérité de l’industrie, l’amélioration des finances. Le roi a laissé pressentir la proposition de quelques lois d’une certaine importance et d’une nature diverse. Ce sont notamment des lois sur le pouvoir judiciaire, sur les tarifs, sur les finances communales, sur les chemins de fer, qui ont besoin, pour se développer, d’un soutien énergique, à défaut d’associations puissantes de capitaux. Les questions économiques dominent dans le discours du roi, et elles domineront vraisemblablement dans la session qui s’ouvre. Les états-généraux se sont mis immédiatement à l’œuvre. La seconde chambre a com-