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point qui était essentiel à maintenir et que la France a maintenu de concert avec la Russie, la Prusse et le Piémont, c’était la sincérité dans l’expression des vœux des populations danubiennes. L’Angleterre, on le sait, s’est ralliée à la France, à la suite de la rupture momentanée qui avait eu lieu à Constantinople; l’Autriche a suivi l’Angleterre dans son évolution; la Turquie a cédé à son tour, si bien que les élections étranges qui avaient été faites en Moldavie ont été annulées, et qu’un nouveau scrutin a du s’ouvrir après la rectification des listes électorales. C’est là ce qui avait été réclamé et ce qui avait motivé la rupture. Or sait-on maintenant quel est le résultat de ces élections nouvelles qui viennent de s’accomplir? Il donne une idée de la pureté des premières opérations si hardiment conduites par M. Vogoridès, et justifie singulièrement les protestations qui s’étaient élevées. D’abord les électeurs se sont rendus au scrutin cette fois, et on n’a point vu cette abstention systématique d’une partie de la population se désistant volontairement de son droit en l’absence de toute liberté. Le clergé, qui avait refusé de voter il y a deux mois, a pris part aux élections nouvelles. Le résultat n’est que plus significatif, et il se trouve que l’immense majorité des députés élus est favorable à l’idée de l’union des principautés. Dans le clergé comme dans les professions industrielles des villes, aussi bien que parmi les propriétaires des diverses classes, le vote a eu le même caractère. Ainsi, dans un espace de quelques semaines, deux résultats entièrement contradictoires se produisent. Dans le premier scrutin, ouvert sous une pression violente, l’union est vaincue; elle triomphe dans le second. Que s’est-il passé dans l’intervalle? Il y a eu la protestation des quatre puissances contre tout ce qui s’était fait en Moldavie et en faveur de la libre manifestation des opinions. Les opinions interrogées ont répondu. Après avoir été abandonné une première fois sur son champ de bataille électoral, M. Vogoridès ne s’est point cru sans doute assez fort pour engager une nouvelle lutte. Ce qu’il y a de singulier, c’est qu’un journal autrichien de Vérone, voulant récemment donner la plus triste idée des procédés du cabinet de Turin à l’occasion des élections qui vont avoir lieu en Piémont, allait jusqu’en Moldavie chercher des précédens, et comparait le ministre de l’intérieur piémontais à M. Vogoridès. Si l’accusation dirigée contre le cabinet de Turin manquait de justice, l’aveu était naïf en ce qui concerne M. Vogoridès, et il y avait même un peu d’ingratitude envers un homme qui s’était montré si docile aux premiers conseils de l’Autriche. Le malheur de M. Vogoridès est d’avoir trop réussi; ce succès trop complet a conduit à une défaite, aux élections nouvelles qui viennent d’avoir lieu en Moldavie, et dont le caractère est tout opposé. Le scrutin s’est également ouvert, il y a quelques jours, dans la Valachie pour la nomination des membres du divan de Bucharest, et de même ici les élections semblent entièrement favorables à l’union. Au reste, le résultat a toujours été moins douteux dans la Valachie. On commence donc à connaître l’opinion exacte des populations des principautés, l’opinion régulièrement et assez librement manifestée, ainsi que le prescrivait le traité de Paris. Parce que les populations du Danube semblent disposées à exprimer leurs vœux en faveur de l’union des deux provinces, il ne faut point dire cependant que ce principe d’une organisation nouvelle et nationale ait triomphé