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que la dernière guerre a laissé entre la Russie et l’Autriche des méfiances, des ressentimens qui se sont manifestés en plus d’une circonstance et sous plus d’une forme. C’est justement ce qui donne plus de signification à l’entrevue de Weimar. Que serait-ce encore si, comme on l’a dit, il devait y avoir d’ici à peu une rencontre de l’empereur des Français et de l’empereur d’Autriche? Voilà longtemps, à coup sûr, qu’il n’y aura eu en Europe de telles réunions de têtes couronnées et un pareil concours de visites impériales.

Quant au sens réel et aux conséquences de ces entrevues qui se succèdent depuis la visite à Osborne, celui qui ne se résignerait pas à faire la part de l’inconnu risquerait fort de prendre ses rêves pour la réalité. Seulement, en combinant ces divers incidens, en les mettant en regard de la situation de l’Europe, des questions qui s’agitent, des préoccupations les plus visibles des cabinets, on peut sans doute en conclure que ces rapprochemens personnels des souverains tendent moins à soulever des difficultés nouvelles qu’à préparer la solution de celles qui existent et à régulariser les rapports généraux du continent, livrés depuis quelque temps à une certaine confusion. Même dans ces conditions, l’entrevue de Stuttgart conserve encore toute son importance; elle perd tout au plus le caractère exclusif qu’une politique de fantaisie serait portée à lui attribuer, quand on ne la sépare pas de la visite de l’empereur Napoléon à Osborne et de l’entrevue du tsar avec l’empereur François-Joseph à Weimar. La simultanéité de ces faits, en révélant la complexité des situations, indique assez que le mouvement dont on vient d’avoir le spectacle conduit bien moins à la guerre qu’à la paix, bien moins à un brusque changement du système des alliances qu’à une sorte d’entente supérieure pour écarter le péril de complications générales qui deviendraient bientôt menaçantes pour tout le monde. C’est bien assez d’accepter les conflits quand ils naissent, quand une nécessité inexorable les impose; les souverains ne se réunissent pas pour les préparer. L’Europe a vu le temps où son existence reposait entièrement sur la guerre, sur la conquête, et où les grandes entrevues de souverains prenaient une signification redoutable. Une longue paix a créé des conditions nouvelles, et aujourd’hui les peuples de l’Occident prennent les armes moins pour faire des conquêtes que pour repousser l’esprit d’agression et de domination partout où il se présente.

C’est ce que l’Europe a été réduite à faire il y a trois ans, et si les dernières entrevues peuvent avoir un résultat direct au moment où nous sommes, ce résultat consiste justement à effacer les dernières traces de ce conflit, en substituant enfin une paix véritable à un état où survivent encore des difficultés qui sont une épreuve incessante pour toutes les politiques. Tant que le congrès de Paris n’aura pas achevé son œuvre dans une réunion nouvelle, ces difficultés subsisteront : elles provoqueront des crises à Constantinople, comme on l’a vu récemment; elles pèseront sur les relations des cabinets, elles mettront aux prises toutes les influences. Le meilleur moyen est donc de hâter la solution de cette question des principautés, qui reste comme un élément de trouble diplomatique, et qui n’est point étrangère à une certaine incohérence de tous les rapports en Europe; mais quelle sera cette solution? Le congrès en décidera lorsqu’il sera de nouveau rassemblé. Jusque-là le seul