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Cependant un système domine alors réellement, et, chose remarquable, c’est à peu près celui qu’inaugure l’ordonnance de Charles VI, — où l’on trouve des juges spéciaux au premier degré, les généraux des monnaies au second, et le parlement en dernier ressort. Seule, la superposition du parlement à la cour des monnaies ne durera pas, celle-ci devant plus tard devenir, à l’instar de celui-là, une juridiction supérieure et souveraine; mais le principe d’une justice particulière, dépendant de la cour des monnaies, doit être regardé comme ayant été le plus généralement en vigueur. Tous les édits relatifs à cette cour lui attribuent la connaissance des appellations des jugemens rendus, tant en matière civile qu’en matière criminelle, au sujet des mineurs. On ne sera point étonné de la liaison étroite qui existait anciennement entre les monnaies et l’exploitation des mines, car sans doute on pressent que, parmi les substances minérales, celles qui, avec le fer, ont le mieux et le plus tôt été connues sont naturellement les métaux monétaires. Ce fait est accusé par la presque totalité des documens sur la législation souterraine. On y voit, à travers des dispositions qui s’appliquent aux mines d’une nature quelconque, percer à chaque pas la préoccupation du souverain pour les métaux employés dans la fabrication des monnaies.

Au moment où la révolution de 1789 éclata, les dépenses et les retards qu’aurait entraînés le cours ordinaire de la justice avaient fait attribuer tantôt à des commissions spéciales, tantôt et le plus souvent aux intendans des généralités, — sauf l’appel au conseil, et pour un temps déterminé ou pour des faits particuliers, — les débats qui s’élevaient à raison de l’exploitation des mines. La législation de 1791 introduisit naturellement le grand principe de la séparation des pouvoirs dans le jugement des contestations de cette nature : elle abandonna à l’autorité judiciaire les questions d’indemnité, de dommages, de voies de fait que les exploitans de mines pouvaient avoir à vider avec les propriétaires du sol; mais elle réserva au pouvoir administratif toutes les discussions relatives à l’existence même des concessions. La loi de 1810 ne fit que consacrer ce système rationnel. On sait combien l’empereur Napoléon, partisan déclaré des formes judiciaires, dans lesquelles il voyait justement la plus solide garantie pour la propriété, résistait avec force aux tendances du conseil d’état à développer la compétence administrative au détriment de la compétence judiciaire. La loi des mines fournit à Napoléon Ier maintes occasions de proclamer sa prédilection pour les tribunaux ordinaires, et il ne manqua jamais d’insister sur la nécessité de leur attribuer en général les discussions que pouvait faire naître la propriété minérale. Il est donc hors de doute que, dans l’esprit de la lé-