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dans un rayon de trois lieues. Il pouvait prendre partout, pour les besoins de cette exploitation, les arbres qui lui convenaient, gratuitement dans les pays peu fertiles, et ailleurs moyennant une indemnité raisonnable. Si ces arbres avaient été vendus à des marchands, ils leur étaient retirés en échange du prix que ceux-ci avaient payé; il était même défendu à tous les propriétaires de bois du royaume « de construire aucune usine, ni choses semblables qui font dégât de bois, à six lieues des mines. » Enfin, — ce qui explique et justifie le nom de petit tyran donné à Roberval par l’auteur des Anciens Minéralogistes, — ce concessionnaire général reçut le pouvoir exorbitant de rendre la justice, tant au civil qu’au criminel, pour le fait desdites mines, « en s’adjoignant six hommes de justice, avocats ou conseillers, et trois mineurs notables. » L’appel des jugemens de cette sorte de conseil de prud’hommes n’était suspensif que lorsqu’ils entraînaient la mort ou la question. Roberval avait encore le pouvoir de faire des règlemens — sous l’approbation du conseil privé du roi, mais exécutoires par provision. Il avait le droit de construire maisons fortes et prisons partout où cela lui semblait nécessaire à la sûreté des personnes et des choses et à l’emprisonnement des délinquans. Tous les mineurs avaient la faculté de porter toutes armes, tant défendues que non défendues.

Ces privilèges excessifs devaient évidemment soulever de grandes résistances; ils donnèrent particulièrement lieu à une protestation des gens du roi, conçue dans ce style à formes bizarres qu’affectionnait quelquefois le parlement de Paris. Il leur sembla que « la matière était sujette à faire remontrances au roi, parce que, par icelles lettres, le roi fait ledit Roberval chef et capitaine général des mines de son royaume, pays, terres et seigneuries de son obéissance, lui baille pouvoir ubique terrarum fouiller et fait défenses à tous ses sujets d’empêcher ledit Roberval; trouvent cela de grandes conséquences, nam multi vellent se réduire à ce que l’on ne fouille point en leurs terres ou héritages pour voir s’il y a mines. » (20 juillet 1553; mane.)[1].

Les trois fils de Henri II maintinrent le système de leur père. En 1560, François II transporta à Claude de Grippon de Guillien, écuyer, seigneur de Saint-Julien, tous les privilèges précédemment concédés à Roberval, en constatant que l’exploitation des mines n’avait fait aucun progrès, mais en n’attribuant qu’aux guerres cette fâcheuse torpeur. En 1561, Charles IX confirma Saint-Julien dans ces mêmes privilèges; puis il les transporta, en 1568, à Antoine Vidal, seigneur de Bellesaigues, receveur général des finances à Rouen, qui fut main-

  1. Archives de l’empire; Registres du parlement de Paris : X, 1573, f° 474.