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de tous les intérêts privés. On a reconnu que ces deux systèmes, qui ne sont nullement inconciliables, ont coexisté chez tous les peuples civilisés, à quelque période historique qu’ils appartinssent, et que les bases mêmes du droit civil en Europe n’ont fait que consacrer la légitimité de cette juxtaposition. En effet, s’il est permis à chacun d’acquérir et de posséder une portion de la propriété générale, ce n’est que sous la réserve d’en jouir selon certaines conditions, qui ne peuvent être contraires à l’intérêt public. De même l’intérêt général ne permet la disposition d’une portion quelconque de la propriété privée que pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité. Enfin, dans un très grand nombre de cas, on voit le pouvoir social s’attribuer, en vertu de simples lois de police, une action réellement dominatrice sur la jouissance de la propriété privée. Ces indications sur l’usage et l’exercice du droit de propriété sont aujourd’hui élémentaires : je ne m’y arrêterai point. Il suffit de rappeler la prépondérance que doit légitimement exercer dans une circonstance donnée l’intérêt général sur l’intérêt particulier, et à coup sûr ce principe ne saurait recevoir une application mieux justifiée par les exigences spéciales de la mise en œuvre que relativement à la propriété minérale.

Ceux-là même qui n’ont jamais visité une exploitation souterraine ont pu, s’ils ont parcouru pendant l’exposition universelle de 1855 l’annexe du palais de l’industrie, se faire l’idée d’une mine, « cet édifice immense caché sous la terre, » — pour employer une heureuse expression de Mirabeau. Ils ont vu le curieux spécimen qu’avait envoyé la compagnie concessionnaire des mines d’Anzin, — celles d’ailleurs, par une coïncidence digne de remarque, qui étaient toujours citées, dans les discussions législatives sur la propriété souterraine, comme un exemple des sacrifices de temps et d’argent qu’exige l’établissement des entreprises de cette nature. Ils ont donc pu juger des travaux immenses, des machines coûteuses que nécessite parfois l’exploitation d’une mine. Si, évaluant les capitaux considérables que réclament le creusement des puits, le percement des galeries, le remblai des excavations, le boisage qui soutient l’édifice, l’achat du matériel de toute espèce, ils ont en outre réfléchi au caractère particulier des substances minérales, qui, déposées une fois pour toutes par la nature dans le sein de la terre, ne s’y reproduisent plus; s’ils ont songé à l’influence de ces substances sur l’industrie de l’homme; s’ils ont compris l’importance qu’il y a dès-lors pour la société, par cette double considération, à retirer des profondeurs du globe la plus grande partie possible du produit des mines, les visiteurs auront, sans contredit, tranché spontanément la question si controversée, dans les régions théoriques, de l’attribution