grand poids dans les destinées du peuple anglais. Rapetissé dans ses proportions, ridiculisé dans ses tendances persécutrices, flétri dans les mesquineries de son zèle bigot, c’est lui, — non ce pauvre M. Spooner, — qui souffre et saigne en réalité.
Et maintenant que nous savons à qui nous avons affaire, maintenant que nous avons pu apprécier les ressources polémiques de l’écrivain radical, montré combien il a peu d’illusions, — même de celles qu’on aime à garder, — indiqué le ton misanthropique et amer de cette intelligence réellement distinguée, — dit quel mépris lui inspire la sottise humaine, élément peut-être indispensable du bonheur humain ; quelle redoutable sagacité elle déploie dans la désolante recherche des vrais mobiles, des vues secrètes, des transactions obscures de la conscience, nous comprendrons mieux, sans aucun doute, le roman fort étrange dont il nous reste à parler.
Nous croyons savoir, nous ne dirons pas dans quelles circonstances il a été écrit. Tout au plus nous serait-il permis d’en parler, si elles nous eussent été plus clairement révélées par le livre lui-même. Fort heureusement ce livre, dans ce qui, dit-on, l’assimile à un libelle, est pour nous à peu près lettre close : sans cela, il faudrait nous taire. Tout ce que nous y avons entrevu dans ce genre, c’est, en deux ou trois endroits, des allusions personnelles, inconvenantes peut-être, mais qui n’ont pas le caractère de la diffamation. Parmi celles-là, — nous nous hâtons de le dire, bien que nous le disions à regret, — sont des attaques passablement venimeuses dirigées contre les anciens collaborateurs de M. Whitty, qui, nous en avons la preuve, étaient en même temps ses amis. Nous ne pouvons entrer dans les querelles d’intérieur qui ont dû amener la rupture de ces liens de confraternité politique. En revanche, il nous est loisible, et c’est notre devoir, de protester au nom des convenances et du bon goût contre les représailles publiques, — représailles n’est peut-être pas le mot propre, — que les rancunes du journaliste ont dictées au romancier. Nous n’irons certes pas citer à M. Whitty les passages des livres saints qui prescrivent le pardon des injures et l’esprit de charité : cette morale-là le ferait sourire; mais, à défaut de l’Évangile, nous permettra-t-il d’invoquer Pétrone, un auteur tout à fait de sa compétence, qu’il doit connaître, et que peut-être il estime? Or dans Pétrone que lisons-nous? Qui lœdit ignotos, latro appellatur; qui verò amicos, paulò minus quam parricida... Mais voilà bien assez de censure et de latin.
Aussi bien ne s’agit-il que d’un roman, un roman, il est vrai, où