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Qui? Le romancier moqué par un jaloux auditoire. Qui? M. Disraeli en personne. Non-seulement on l’écoute, mais on l’applaudit; non-seulement on l’applaudit, mais on vote comme il le veut; non-seulement il enlève les suffrages, mais il s’empare du pouvoir. Il est ministre, il présente le budget. Le budget, il est vrai, n’a point de succès; le ministre, il est vrai, ne gardera le pouvoir que bien peu de mois. Et ce triomphe passager, il a dépensé le meilleur de sa vie à l’obtenir. Mais encore...

Il faut donc se donner corps et âme au parlement. Il faut aussi lui témoigner le plus profond respect. Peu importe ce que vous en pensez au fond. Montrez à ce pouvoir irresponsable et tyrannique, votre maître absolu dès que vous en prenez votre part, montrez-lui la vénération la plus inébranlable. Étudiez, sous ce rapport, M. Hume. Ce n’était point un brillant orateur, il s’en faut bien. Esprit limité, volonté tenace, il était toujours sur la brèche, prêchant des économies, quelquefois utiles et praticables, quelquefois impossibles ou mal entendues. Il fatiguait, il ennuyait, il contrariait, il harassait bon nombre de ses collègues, et les ministres plus particulièrement; mais dans les plus chauds débats et après les échecs les plus désagréables M. Hume, — le terrible Joseph Hume, — était toujours respectueux, toujours soumis. Bien certainement, intùs et in cute, il envoya plus d’une fois ses honorables collègues à tous les diables, et si on l’eût sommé à foi et à serment de révéler en quelle estime il les tenait, peut-être aurait-on été fort surpris de ses aveux; mais il restait calme et poli, effaçait sa personnalité, savait obtenir ses chers « retranchemens, » et, loin de s’en prévaloir, en reporter l’honneur, uniquement à ceux qui les avaient votés. Aussi avait-il fini par se faire honorer, mieux que cela, par se faire aimer de la chambre en masse. Et whigs et tories, quand Joseph Hume tomba mort à la peine, se réunirent pour chanter un de profundis en son honneur,

M. Cobden monte à la tribune, et de là, comme des hustings les plus élevés, il entend parler au peuple anglais tout entier. Tant pis pour M. Cobden. M. Bright, — pas toujours, il est vrai, mais le plus souvent, — au lieu de songer qu’il est membre des communes, se prévaut de ce qu’il est le délégué de Manchester. Tant pis pour M. Bright. Tous deux perdent à ce jeu bonne partie de cette haute influence qui leur appartient naturellement, et qu’ils devraient tendre à augmenter sans cesse, ne fût-ce que dans l’intérêt des idées qu’ils représentent. Avec une position moins forte, ils la perdraient tout entière. O’Connell n’a jamais rien obtenu du parlement pour sa « chère Irlande. » Pure maladresse! S’il avait manœuvré le taureau farouche, au lieu de le prendre tour à tour par les cornes et par les