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leçons de la Providence les calamités qui tombent sur les ennemis de l’église. Quoi qu’on puisse penser de ce sentiment, on peut du moins dire qu’il n’a rien de vil ; mais il y en a un autre beaucoup plus répandu, et pour lequel on ne saurait faire la même réserve : c’est celui des nombreux amis de la servitude et de la platitude par toute l’Europe, qui, jaloux d’avoir vu l’Angleterre rester à l’abri des révolutions qui les avaient eux-mêmes si rudement secoués, et de la voir résister à une pression de liberté cent fois plus forte que celle qui les avait fait sauter, triomphent aujourd’hui de la voir blessée au talon, et s’écrient : « Enfin ! c’est donc son tour ! »

Les Anglais du reste ont la conscience instinctive des vrais sentimens qu’ils inspirent, et ils ne mettent leur confiance qu’en eux-mêmes. M. Disraeli disait dans la chambre des communes : « Nous en sommes aujourd’hui à la première campagne ; au mois de novembre probablement, nous commencerons la seconde. C’est de celle-ci que tout dépendra. L’Europe, l’Asie nous surveillent. Il faut que nous frappions des coups décisifs ; autrement, si nous étions obligés d’entreprendre une troisième campagne, nous pourrions trouver sur la scène des acteurs que nous n’attendons pas, et qui ne seraient plus des princes de l’Inde. »

On s’est étonné que le gouvernement anglais n’envoyât pas ses troupes aux Indes dans des bâtimens à vapeur qui auraient pu contenir un bien plus grand nombre d’hommes que les bâtimens à voiles, et qui auraient l’avantage, actuellement si précieux, de la vitesse ; mais il faut se dire que l’Angleterre envoyait là-bas tout ce qu’elle avait d’armée, qu’elle restait elle-même sans garnison, et que si elle n’avait pas gardé ce qu’elle a dans tous les temps appelé ses remparts de bois, elle aurait été entièrement sans défense. Lord Palmerston n’a fait aucune difficulté de l’avouer, et il disait dans la chambre des communes : « Si en cas d’événemens fortuits nous avions à faire appel aux ressources du pays, comment pourrions-nous le faire, si nos forces navales étaient à l’autre bout du monde ? Sans doute nos vaisseaux à vapeur sont ici dans le repos et dans l’inaction ; mais si tel ou tel événement survenait qui nous forçât à mettre en mer une grande flotte, comment ferions-nous quand nos vaisseaux seraient à transporter des troupes dans les mers de l’Inde ? C’est pourquoi je pense qu’il eût été très imprudent d’expédier ces bâtimens en Asie ; en fait, c’eût été tomber dans l’erreur que signalait le grand orateur de la Grèce en parlant des Perses. « Quand, disait-il, vous les frappez à une partie du corps, ils y portent la main, et laissent toutes les autres parties exposées aux coups. Gardez-vous, ô Athéniens ! de suivre cet exemple insensé ! » Je crois que nous serions tombés dans une semblable mé-