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la chasteté anglaise. » Ils ne disent pas la chasteté des femmes, ils disent la chasteté des Anglaises, et à leurs yeux ce n’est pas la même.

Nous comprenons les transports de fureur, la soif de sang que ces crimes doivent allumer dans le cœur des Anglais ; mais quand ils auront fait sauter des milliers d’hommes à la bouche des canons, que retireront-ils de cette sanglante représaille ? Ils ne luttent pas à armes égales, et nous ne connaissons, dans l’exercice de la vengeance, rien de plus amer que le sentiment de l’impuissance. Quand Macduff apprend que Macbeth a fait tuer sa femme et ses petits-enfans, et quand, pour apaiser sa douleur, on lui parle de vengeance, il jette ce superbe cri de désespoir : « Il n’a pas d’enfans ! »

Au milieu de l’impression douloureuse causée en Angleterre par ces événemens, un cri d’accusation s’est fait entendre. Et contre qui ? Contre les missionnaires chrétiens, contre les sociétés bibliques, contre les hommes et les femmes qui consacrent leur vie à la propagation de l’Évangile ! Est-ce réellement possible ? et l’Angleterre est-elle donc tellement tombée qu’elle soit prête à renier ce qui fait sa plus grande gloire, nous dirons ce qui fait sa plus grande force ? Est-ce bien dans la langue anglaise que sont proférées de pareilles récriminations ? Mais, grand Dieu ! si l’Angleterre n’était pas avant tout missionnaire dans l’Asie, si elle n’y tenait pas le drapeau du christianisme et de la civilisation, qui donc, excepté les actionnaires de sa compagnie, s’inquiéterait de l’y voir vivre ou mourir ? Et quel intérêt veut-elle que les peuples chrétiens prennent à la prospérité ou à la faillite de ses boutiques ? Nous entendons dire que la révolte de l’Inde a été provoquée par les prédications chrétiennes et par le prosélytisme religieux ! Il est probable que ces accusations ont été proférées partout où, depuis dix-huit siècles, la liberté chrétienne est allée détruire la barbarie ou remplacer les civilisations pourries. La vérité est que dans l’Inde le gouvernement anglais, le gouvernement officiel, n’a jamais fait qu’entraver autant qu’il le pouvait la propagande religieuse. Ce sont les efforts persévérans des missionnaires et des sociétés évangéliques qui lui ont arraché toutes les réformes qu’il a faites dans la législation barbare du pays. Et encore qu’a-t-il fait dans cette voie ? Rien que supprimer des superstitions et des coutumes qui offensaient l’humanité. Il a mis un terme à cette loi barbare qui condamnait les femmes à se brûler après la mort de leurs maris ; il a aboli cette autre loi qui défendait aux veuves de se remarier, et celle qui entraînait de droit la confiscation des biens de tout indigène converti au christianisme. Voilà les vraies raisons, plus encore que les cartouches graissées, qui ont amené la révolte: car, dans une organisation sociale où les lois et les coutumes sont indissolublement liées à la religion, toute réforme qui émancipait le