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vement continu vers l’ouest. Depuis les premières observations, ils sont passés d’Europe en Amérique. Au bout de plusieurs autres siècles, ils auront probablement fait le tour entier de la terre, et nous reviendront situés comme au XVIe et au XVIIe siècle. Pour concevoir ce singulier transport, j’ai déjà indiqué qu’il fallait admettre que la croûte terrestre déjà solidifiée qui forme nos continens marche plus vite vers l’orient que le noyau central incandescent, et qu’ainsi les lignes magnétiques qui dépendent à la fois de la partie superficielle et de la partie centrale doivent rester en arrière, c’est-à-dire vers l’ouest, par rapport aux continens, qui vont plus vite vers l’orient que le reste de la masse terrestre. D’autres phénomènes du reste conduisent à la même manière de voir. Voilà donc bien des choses curieuses que l’étude du magnétisme terrestre nous dévoilera un jour.

J’ai déjà dit que l’aurore boréale, qui est un phénomène électrique, agit sur l’aiguille aimantée, et rien n’est plus concevable ; mais il est d’autres circonstances où, sans aucune cause perturbatrice apparente, l’aiguille s’agite, prend des mouvemens irréguliers, avance de plusieurs minutes dans un sens, puis recule de l’autre côté de sa position primitive. On a appelé ces singulières perturbations orages magnétiques. Il eût été sans doute plus exact de dire orages électriques. Ils s’observent au même instant physique tout autour de la terre. À Toronto dans l’Amérique du Nord, à Londres, à Paris, à Berlin, à Saint-Pétersbourg, l’aiguille ressent au même moment la même influence. On en avait tiré l’espoir de déterminer ainsi les longitudes de divers lieux, et M. de Humboldt avait même parlé de longitudes magnétiques ; mais la difficulté consiste à saisir un point précis dans la perturbation. Le commencement, le milieu, la fin du phénomène ne sont pas nettement tranchés. M. Arago, qui avait d’abord beaucoup patroné ces observations simultanées d’orages magnétiques, s’était définitivement prononcé contre les longitudes magnétiques. On conçoit assez facilement qu’une agitation intérieure du globe, un tremblement même insensible de la masse des continens qui flottent sur le noyau en fusion de la terre, peuvent troubler le courant continu d’électricité qui circule dans l’intérieur du globe, et comme c’est ce courant qui dirige les aiguilles, celles-ci suivront toutes les phases du courant auquel elles obéissent. La marche saccadée des effets produits alors est bien analogue à ce que nous voyons l’électricité faire dans plusieurs circonstances, et notamment dans les orages de foudre. La masse de faits recueillis et imprimés en Angleterre et en Russie est vraiment formidable, et je pense que ce sera plutôt en vérifiant sur ces faits des idées préconçues qu’en les coordonnant à priori, qu’on en tirera quelque