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cette manière, le mérite qui distingue l’or d’être infiniment malléable, ou d’adhérer extrêmement à l’état de couche infiniment mince, n’aboutit qu’à en restreindre l’emploi. Ainsi ce n’est pas moins de 5 grammes d’argent qu’on met sur un couvert dans la fabrication de la maison Christofle; au lieu de cela, la dorure dont on recouvre des ustensiles, des cadres, des plafonds mêmes, n’exige jamais que des atomes d’or : 4 ou 5 centigrammes par exemple, au lieu de 5 grammes. C’est par rapport à l’argent dans le rapport de 1 à 100.

Maintenant, pour fixer les idées et donner de la précision à nos conclusions, récapitulons les différens emplois que nous venons de signaler pour l’or, en les représentant par des nombres.

D’après ce qu’on vient de voir, le monnayage de ceux des états qui sont à court de monnaie d’or ne paraît pas devoir réclamer, d’ici à une dizaine d’années, plus de 300,000 kilogr. de métal. Pour arriver à cette quantité, il a fallu forcer toutes les prévisions. C’est exagérer, au-delà même de ce qui serait permis, la quantité d’or neuf réclamée par la bijouterie ainsi que pour les divers modes de dorure et pour la passementerie en or, que de la porter à 35,000 kil. en moyenne d’ici à dix ans, soit pour la période décennale 350,000 kil. Quant au surcroît de monnaie nécessité par l’accroissement de la population et parle développement de l’aisance dans l’ensemble des états de l’Europe et de l’Amérique, je l’ai calculé d’une manière large en le supposant de 22,000 kilogr. par an, soit en dix ans 220,000, Pour ce qui est du frai, on a vu qu’on ne risquait pas de l’évaluer trop bas en le portant à 3,000 kil. ou en dix ans 30,000, et enfin la thésaurisation, en y joignant les pertes accidentelles, semble devoir être plus que comblée, si on lui attribue 15,000 kil. annuellement, ou en dix années 150,000. On arrive ainsi, en outrant toute chose, à un total de 1,050,000 kilogrammes, comme indiquant le bloc du précieux métal qui trouverait un emploi naturel d’ici à dix ans. Par ces mots un emploi naturel, je veux dire qu’il s’écoulerait aux mêmes conditions que par le passé, et par conséquent sans qu’il y soit aidé par la baisse de la valeur de l’or. En estimant la production moyenne annuelle, pour la période de dix ans qui commence, à 250,000 kilogrammes seulement (et il est plutôt à présumer qu’elle ira à 300,000), la masse flottante dont la pesanteur agirait, à l’expiration de la période décennale, pour déprimer la valeur de l’or serait donc de l,450,000 kilogr., c’est-à-dire de la moitié de tout ce que l’Amérique a fourni d’or depuis le premier voyage de Christophe Colomb jusqu’à la découverte des gisemens californiens en 1848, en trois cent cinquante-six ans.

Qu’on rabatte de là deux ou trois cent mille kilogrammes, cinq cent mille même, afin de pourvoir de la façon la plus ample à toutes