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M. Le docteur Passavant s’occupait beaucoup de magnétisme animal. Il en attendait de grandes lumières et une sorte d’affranchissement des liens de la matière[1]. Il croyait qu’on ne doit pas non plus mépriser les songes, et qu’on y voit souvent plus clair que dans la veille. M. Manuel nous a raconté qu’il connaît un homme, d’ailleurs très raisonnable, auquel est arrivé le fait suivant. Une nuit, il vit en songe sa fille unique, en pension dans une ville voisine; il la vit mourante, avec tel habillement, avec telle coiffure, dans telle chambre. Il se lève, court à la ville voisine, et demande sa fille; on lui dit qu’elle est malade; on le conduit à sa chambre; il reconnaît cette chambre, qu’il a vue en rêve; il reconnaît les meubles. — Ah! ma fille est perdue! — En effet, deux heures après, elle était morte. — Dieu voulait que je la visse encore une fois !

M. Frédéric Schlegel est, ainsi que son frère Auguste-Guillaume, un des plus grands critiques de l’Allemagne. Comme son frère aussi, et avant lui, il a étudié les langues orientales et publié un ouvrage très estimé sur la Langue et la sagesse des Indiens. Il a touché à tout, et il a traversé tout. Il a commencé par être un des partisans les plus ardens de M. Schelling, et il a composé à cette époque de sa vie des romans panthéistes d’une moralité très équivoque. Dans la suite, il a abandonné la philosophie pour la religion, et il est devenu chrétien orthodoxe. C’est alors qu’il a converti sa femme, de juive qu’elle était, au protestantisme; puis, étant lui-même devenu catholique, il l’a une seconde fois convertie au catholicisme, et aujourd’hui ils convertissent tous deux à qui mieux mieux. M. Schlegel est conseiller de la légation autrichienne auprès de la diète germanique, et il passe pour un des favoris de M. Gentz, favori lui-même de M. de Metternich. Les protestans et beaucoup de philosophes attribuent tant de changemens à des calculs intéressés, comme si l’homme, pour changer, avait besoin d’être poussé par l’intérêt, comme si la mobilité n’était pas dans sa nature, et même n’entrait pas jusqu’à un certain point dans ses perfections! Mais je laisse là les bavardages des partis; je prends M. Frédéric Schlegel en lui-même et vais raconter ce qu’il m’a dit.

C’est un homme d’une figure belle et régulière; ses manières sont extrêmement simples. Il me reçut assez bien, et m’invita à venir le soir avec lui faire une promenade autour de la ville. Il parle français à merveille, et s’exprime avec une clarté parfaite. Voici le résumé de notre conversation :

« Prenez garde à la route dans laquelle vous allez entrer. Avec

  1. M. Passavant a depuis mis au jour, en 1821, des Recherches sur le magnétisme animal, Untersuchungen über den Lehemmagnetismus.