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la conscience de mon devoir, après de mûres réflexions, après avoir vingt fois pesé dans la balance la personne, les circonstances, les besoins de la province et l’intérêt de la cité. Alors seulement je me suis convaincu que vous devez avoir pour évêque celui dont je vais brièvement vous retracer la vie.

« Simplicius, mes très chers frères, est l’homme qui des rangs de votre ordre passera dans le mien, si Dieu le commande par votre bouche : honneur de la profession laïque, il le sera du sacerdoce ; l’état trouvait en lui de quoi admirer, l’église y trouvera de quoi aimer. Parlons d’abord de sa naissance. Me conformant à l’exemple de saint Luc, qui, dans l’éloge qu’il fait du précurseur, signale comme une circonstance importante que Jean était de souche sacerdotale, et prélude au récit d’une si noble vie par celui des dignités de sa race, je vous rappellerai que les ancêtres de Simplicius ont siégé tour à tour sur le tribunal de vos magistrats et dans la chaire de vos évêques, et l’on ne mentirait pas en disant que sa famille a exercé dans vos murs le droit humain et le droit divin. Quant à lui, il tient une place éminente parmi les spectables de cette ville. — « Sans doute, me répondrez-vous ; mais Eucher et Pannychius, qui ont la qualification d’illustres, lui sont supérieurs en dignité. » — Je le sais, mais qu’importent ici les mérites de Pannychius et d’Eucher, puisque leur second mariage les exclut absolument de l’épiscopat ? Revenons donc à Simplicius. Son âge est précisément celui qui convient au ministère de l’évêque : assez près de la jeunesse pour en conserver l’énergie, il participe déjà à la maturité de la vieillesse. La nature et l’étude lui ont prodigué à l’envi, celle-ci la science, celle-là les qualités de l’esprit. Son savoir-vivre est tel que tout le monde se louera de lui, clercs ou laïques, étrangers ou citoyens. Quant à son hospitalité, vous savez que la table de Simplicius n’exclut personne, et que ceux-là goûtent le plus souvent de son pain qui sont hors d’état de le lui rendre. Lorsqu’il vous a plu de le charger de missions au nom de cette ville (et ce n’a pas été une seule fois), il a su vous représenter dignement, soit en face des rois, vêtus de peaux, soit en face des princes vêtus de pourpre. Si vous me demandez sous quel maître il a fait l’apprentissage de la science religieuse, je vous répondrai par le proverbe : « Il avait chez lui de qui apprendre. » Enfin, mes très chers frères, cet homme est marqué du doigt de Dieu : captif chez les Barbares, plongé dans les ténèbres d’un ergastule, il a vu s’ouvrir devant ses pas les barrières et les verrous de sa prison, tombés sous une main divine.

« Vous-mêmes (je l’ai entendu raconter), ne l’avez-vous pas déjà voulu pour évêque, le préférant à son beau-père et à son père ? La foule criait autour de lui qu’il fallait le traîner bon gré, mal gré,