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creuses comme toutes celles du midi, et qui n’est d’aucun effet. Ces maisons relevées d’ornemens plus ou moins élégans, plus ou moins compliqués, sont souvent très belles, et c’est dans cette sorte de résidence que je me plaisais à placer les scènes principales de Roméo et Juliette. Ce genre ancien, dont les plus beaux palais de Venise offrent les plus brillans modèles, est ce qu’on peut appeler moresque à cause de l’Espagne ; cependant il vient à la fois de l’antiquité et de l’Orient. Il est à la fois byzantin et arabe. Je crois que par le goût qui règne aujourd’hui, tout ce qui s’y rattache sera en général préféré aux créations les plus heureuses d’un art plus moderne. Parmi celles-ci, on devrait encore distinguer celles qui appartiennent à la renaissance proprement dite de celles dont la date est plus récente encore ; mais les unes et les autres se rattachent à l’architecture introduite par l’Italie depuis trois siècles dans le reste de l’Europe, et dont les palais de Rome offrent en général les divers caractères. Bramante, Brunelleschi, Sanmicheli, Sansovino, Palladio, Scamozzi, sont des artistes supérieurs dont presque toutes les œuvres offrent exclusivement les formes de l’art moderne. Les deux derniers ont rempli Vicence, leur patrie, d’admirables ouvrages ; mais c’est pour en donner une idée un peu satisfaisante qu’il faudrait une connaissance de l’art, un talent de description et un luxe de détails qui nous sont également interdits. Disons seulement que, bien qu’on puisse préférer l’aspect vénitien des palais Schio et Colleoni, le palais Chiericati de Palladio, le palais Trissino de Scamozzi, le palais Tiene, dont le comte Tiene, ami de Palladio, fut l’architecte, nous ont paru des modèles d’un art perfectionné. La petite maison de Palladio et la plus petite encore casa Pigafetta sont de véritables bijoux de la renaissance.

Une preuve remarquable du goût de Palladio, c’est sa restauration de la basilique ou palais de la Raison, ancien édifice gothique sur la place des Seigneurs. L’habile artiste l’a modifié à peu près dans le style vénitien et entouré d’une ceinture de loggie, ou de galeries en portique, qui semble faire partie du monument primitif. Le palazzo Prefettizio est encore un ouvrage élevé par le même maître, sur la même place près de laquelle Scamozzi a construit le palazzo del Comune.

Des églises de Vicence, je ne me rappelle que celle de la Santa Corona. Elle est gothique comme la cathédrale, et il est à remarquer que les grands architectes nés dans cette ville n’y ont pas laissé d’édifices religieux. Le théâtre olympique, qu’on ne manque pas de vous faire voir, est une fantaisie curieuse de Palladio. Il a voulu représenter, comme il la concevait, une scène antique, et il a construit en bois, d’après les lois de la perspective, trois rues de Thèbes