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à cette classe de figures d’une sérénité noble et charmante qui semblent à la fois possibles et supérieures à toute réalité. Or tel est le véritable idéal.

Cette belle statue, découverte en 1826, est devenue célèbre. L’empereur d’Autriche en a fait placer une imitation en bronze sur le champ de bataille de Culm. A Brescia même, j’ai pu voir une preuve ingénieuse du prix que la population attache à ce trésor de son musée. Je parcourais la bibliothèque Queriniana, dont on me montrait les curiosités. Dans une collection assez intéressante de médailles, le conservateur m’en indiqua deux modernes, qui, consacrées à la mémoire de deux événemens analogues, sont cependant très propres à faire connaître la différence des temps. La première a été frappée à l’occasion de la révolution de 1797. Sur la face est représenté le peuple de Brescia s’emparant du Broletto à coups de canon; sur le revers, un bonnet de la liberté et un glaive nu. En 1848, une autre médaille a été consacrée à la mémoire de la révolution. D’un côté est inscrite la date et la mention de l’événement; de l’autre côté est ciselée l’image de la statue ailée avec ces mots : Brixiana Victoria. Le conservateur me montrait ces deux médailles en présence de trois jeunes clercs sortis à peine du séminaire. À cette vue, ils se mirent à sourire d’un air de pitié, et le conservateur se crut obligé à une apologie. « C’étaient, disait-il, des pièces historiques, et une collection savante devait tout recueillir. »

Il se peut qu’une partie du clergé soit élevée à n’avoir pas de patrie, et cependant, en déjeunant dans la rustique auberge d’un hameau nommé, je crois, Poliasca, entre la Spezzia et Chiavari, j’ai vu sur les murs de la salle à manger une mauvaise gravure contenant les deux portraits de Ugo Bassi, barnabite, fusillé à Bologne le 8 août 1849 pour ses prédications dans la cathédrale de cette ville, et d’Antonio Giovanetti, archiprêtre, qui s’était associé à Bassi pour ses sermons en faveur de l’indépendance nationale.

Le cardinal Querini, évêque de Brescia, qui avait traduit la Henriade et le Poème de Fontenoy, et à qui Voltaire, en récompense, dédia Sémiramis, un de ces prélats éclairés que l’amour des lettres rendait favorables à tous les progrès de l’esprit humain, a formé et donné à la capitale de son diocèse cette bibliothèque dont les richesses ont quelque réputation. Un manuscrit des Évangiles, suivant l’ancienne version italique, écrit sur vélin pourpre, en lettres d’or et d’argent, passe pour être du IXe siècle. Une grande croix byzantine, ornée de pierres précieuses, dite la croix de Galla Placidia, est supposée du Ve. Une petite croix double qui vient de sainte Hélène contient, dit-on, un morceau de la vraie croix. Ce sont des joyaux de haut prix. Enfin on m’a montré un médaillon