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sir d’éviter toute apparence de bonne entente avec le gouvernement de Sardaigne a fait préférer ce village au Piémont, où rien ne gêne pourtant l’envie d’imprimer ; mais enfin il vient de Capolago à Turin, et autant qu’il se peut en Italie, de petits livres écrits avec indépendance, parfois avec. talent, quoiqu’empreints souvent d’un cachet de philosophie un peu matérialiste et de politique légèrement socialiste. Quelques ouvrages de M. Ferrari, bien connu des lecteurs de la Revue, ont été, je crois, imprimés là. Un prêtre, caché sous le pseudonyme d’Ausonio Franchi, y dirige contre l’enseignement philosophique de l’université de Turin une polémique qui ne déplairait pas trop à M. Feuerbach. L’Italie a naturellement son hégélianisme ; c’est une des nécessités du temps. Et ici, au milieu de la fraîcheur des eaux et des bois, arrêtons-nous et faisons un retour sur la philosophie.

Elle est loin d’être négligée en Piémont. L’université habite un beau palais, c’est-à-dire un bâtiment dont la cour carrée est bordée d’un double portique, l’un au rez-de-chaussée, l’autre au premier étage. L’escalier qui unit les deux galeries est monumental, et chacune est ornée de débris d’antiquités ou de bustes de savans et de littérateurs nationaux. Dans les salles qui ouvrent sur ces galeries, quatre facultés font leurs cours, et parmi ces cours la philosophie en compte quatre, s’il faut lui attribuer la chaire de M. Rayneri, professeur de méthodique, et si la méthode générale qu’il enseigne est autre chose que la grammaire générale. M. Bertini, de Carmagnola, est professeur d’histoire de la philosophie ; M. Peretti, de Castagnole, est professeur de métaphysique, et M. Dominique Berti, de Cumiana, membre distingué de la chambre des députés, est professeur de philosophie morale. Le tableau des cours de cette année porte encore les noms de trois suppléans en philosophie et en méthode générale. Peu s’en faut que je ne rattache à ces noms celui de M. Melegari, qui est venu de Bologne, comme chez nous Rossi, enseigner à Turin le droit constitutionnel. J’ajoute que la librairie de Turin n’est nullement stérile en publications philosophiques. M. Le marquis de Cavour a fait connaître dans notre langue les doctrines de Rosmini, et M. Massari recueille et publie avec autant de soin que d’intelligence un précieux recueil d’écrits posthumes de Gioberti. Voilà ce que je me rappelais en cherchant des yeux, sans parvenir à l’apercevoir, l’imprimerie de Capolago.

Il ne faut guère plus d’une heure pour gagner de la Chiaso, premier poste autrichien, où l’on trouve la police et la douane. En passant cette frontière, je dois rendre hommage à l’Autriche et lui faire réparation pour tous les voyageurs et touristes mes prédécesseurs : ni sa douane, ni sa police n’est tracassière. On regarde à peine votre