Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/484

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

port de l’art que sous celui du luxe. Dans ses églises gothiques, comme dans celles de la renaissance, l’Italie pousse très loin la magnificence. Auprès des temples d’une de ses villes secondaires, les basiliques de nos capitales paraîtraient négligées et nues. Non pas que les premiers soient toujours tenus avec une grande recherche, avec ces soins d’entretien et de propreté qu’on observe par exemple en Belgique. Bien des choses sont délabrées, ternies, flétries, laissées dans un triste abandon, hormis le pavé, souvent précieux et ordinairement assez net pour qu’on en remarque le dessin et la qualité. Mais si l’édifice est sorti des mains de l’architecte, moins orné de composition première que nos chefs-d’œuvre du moyen âge, les richesses accessoires s’y sont accumulées presque toujours avec plus de profusion. Marbres et métaux, autels et baldaquins, statues et tombeaux, sculptures, ciselures, peintures, prix des matériaux, beauté des formes, éclat des couleurs, tout abonde, et les yeux s’en fatiguent au point d’y perdre quelquefois du plaisir, car il arrive que la somptuosité tombe dans l’affectation, et ne s’interdise ni le colifichet ni l’oripeau. On cite en ce genre les églises des jésuites, qui tiennent leurs maisons avec une sorte de coquetterie, et qui raffinent tellement sur les belles choses qu’ils finissent par préférer les jolies. On dirait qu’en tout il leur manque le sentiment de la grandeur. Leur église à Turin n’est pourtant pas un des pires modèles du genre. C’est un riche et bel appartement sacré, dont le luxe très voyant a cependant plus d’ampleur que n’en a, par exemple, l’église des Scalzi, ce temple en style de boudoir qu’on nous fait admirer à Venise. Il faut aussi commencer, dès Turin, à se familiariser avec le détestable système de décoration passagère qui gâte souvent les églises italiennes. Il n’en est guère où non-seulement des surfaces de marbre ou de pierre habilement travaillées, mais de majestueux piliers, d’élégantes ou imposantes colonnes ne soient affublés de grande nappes de damas nacarat bordées d’un galon d’or. Autour des statues de la Vierge, au-dessus des beaux crucifix, devant des tableaux quelquefois admirables, voltigent des voiles de mousseline blanche ou de taffetas bleu de ciel, voire de percaline rose, frangés ou étoilés d’argent, sans compter toutes ces pièces d’orfèvrerie de pacotille, toutes ces enluminures de boutique que multiplie la superstition des ex-voto. En aucun pays, le clergé n’a montré un goût bien sévère. Chez nous, il a paru assez longtemps étranger au sentiment et à l’intelligence des merveilles de l’art confiées à sa garde; heureusement il a fini par s’associer à ce mouvement d’archaïsme critique qui nous a ramenés à l’appréciation du génie du moyen âge. Ce n’est plus toujours sa faute, si nous avons si peu d’églises ornées et tenues comme elles devraient l’être. La dévotion des fidèles a des