Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/464

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aient été tentés pour faire pénétrer dans les mœurs publiques les habitudes de la liberté constitutionnelle. Comment le gouvernement de juillet est-il né ? comment a-t-il vécu, et comment est-il mort ? C’est la triple question livrée désormais à l’historien, et qui ressort du mouvement des faits, du jeu des partis, du travail des esprits. Des pamphlets ont usurpé le nom de témoignages véridiques pendant que le régime de 1830 vivait. Les diffamations ou les apologies, les mémoires, les récits, les divulgations secrètes ne manquent pas ; il manque une histoire complète et définitive, qui reste peut-être encore difficile à faire, et que tente M. Victor de Nouvion dans une œuvre étendue, dont les deux premiers volumes seulement ont vu le jour. L’auteur de l’Histoire du règne de Louis-Philippe Ier, roi des Français, prend cette monarchie de 1830 à son orageux berceau ; il n’est arrivé encore qu’à ces premières années pleines de luttes, où l’ordre avait à triompher, où une politique nouvelle avait à se dégager du tourbillon des passions et des systèmes révolutionnaires. Avant tout, le mérite de ce livre est dans le sentiment d’équité et d’impartialité qui l’anime. Parce que le roi Charles X, vaincu en 1830, s’en va emmenant avec lui une dynastie séculaire, l’auteur ne se croit point tenu de l’accabler sous sa défaite ; parce qu’une révolution qu’il croit légitime triomphe, il ne glorifie pas indistinctement tout ce que fait cette révolution. M. de Nouvion, et c’est son mérite, juge les choses et les hommes, M. de Lafayette aussi bien que M. de Polignac, les serviteurs aveugles du roi et les serviteurs dangereux du peuple triomphant. En un mot, il entre dans cette étude avec un esprit libre, sinon de préférences, du moins de préjugés de parti ; il n’est décidé que contre l’anarchie, qui n’est pas une opinion.

C’est la loi des révolutions de se personnifier dans un homme. Le roi Louis-Philippe, qui repose aujourd’hui à Weibridge et qui appartient désormais à l’histoire, personnifia la révolution de 1830 dans ce qu’elle eut de juste, de sage et même de possible ; il en fut le modérateur, le souverain et le guide. Des partis mal conseillés par leur rancune ont voulu le représenter comme un conspirateur qui, durant quinze ans, s’était livré à des brigues secrètes pour arriver à mettre la main sur la couronne. La vérité est plus simple, elle est dans les récits de M. de Nouvion. Il n’est point douteux que, sous la restauration, celui qui n’était encore que le duc d’Orléans vivait en bonne intelligence avec les opinions libérales ; il datait de 1789, et il aimait à s’en souvenir. Certainement aussi il prévoyait une catastrophe ; mais le chemin qui pouvait le conduire au trône, ce n’est pas lui qui était en mesure de l’ouvrir. On le lui ouvrit tout à coup par les ordonnances de juillet, et alors ce n’était plus son intérêt personnel qui se trouvait seul en jeu, c’était l’intérêt du pays, menacé subitement de tomber dans un abîme. Les hésitations que d’un autre côté les révolutionnaires ont attribuées à Louis-Philippe dans ce moment suprême, les haines violentes dont ce parti n’a cessé de poursuivre le dernier roi, sont sa plus éclatante justification ; elles prouvent que, quant à lui, il prenait la couronne non comme un ambitieux qui touche enfin son but, mais comme un modérateur invoqué dans une grande nécessité publique. Cette pensée est dans toutes les paroles du duc d’Orléans en 1830 ; elle est dans les premières communications adressées aux cours de l’Europe, elle est dans ses premiers entretiens avec la chambre. « Les députés de la nation me comprendront, disait-il, lorsque je leur dé-