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l’Angleterre ne soit plus que jamais solide et indissoluble ; sur elle reposent les combinaisons futures de l’Europe. — Voilà, on en conviendra, tout un plan merveilleusement combiné. Il peut bien y manquer quelques petits détails ; mais qui n’oublie pas quelques détails dans un plan de réorganisation européenne ? Si vous éprouvez encore quelques doutes, c’est que vous serez véritablement difficile. Il reste donc convenu que tout se sera ainsi passé à Osborne.

Seulement ici intervient un autre incident, c’est l’entrevue prochaine de l’empereur Napoléon et de l’empereur Alexandre II à Stuttgart. Les deux souverains en effet vont se rencontrer chez le roi de Wurtemberg, allié des deux familles impériales, et qui est venu récemment en France. Or, si l’entrevue d’Osborne a eu ses historiens de fantaisie, l’imagination des romanciers de la politique ne s’exerce pas moins sur l’entrevue de Stuttgart avant même qu’elle n’ait eu lieu. De l’alliance de la France avec l’Angleterre, on passe tout à coup à une alliance avec la Russie, et aussitôt les noms d’Erfurt ou de Tilsitt seront prononcés. — C’est à Stuttgart, vous dira-t-on, que va se former la nouvelle alliance des deux empires. Tout a été préparé par le duc de Hesse lorsqu’il est allé cet été à Plombières ; il ne restait qu’à choisir un moment favorable ; ce moment est venu. Au milieu de toutes les oscillations de la politique actuelle, la Russie conserve un double ressentiment : elle ne peut pardonner à l’Autriche la conduite qu’elle a suivie pendant la guerre d’Orient, parce qu’elle a vu et parce qu’elle voit encore dans cette conduite une défection après tout ce qu’avait fait le dernier tsar pour la puissance autrichienne. Elle ne pardonne pas davantage à l’Angleterre, qui avait reçu les secrets de l’empereur Nicolas, d’avoir si mal répondu à cette confiance. Quant à la France, qui l’a combattue avec une énergie victorieuse, la Russie ne la considère nullement en ennemie ; elle voit plutôt en elle une alliée naturelle. Elle a essayé plus d’une fois déjà, par ses déférences et même ses flatteries, de détacher la France de l’Angleterre et de l’Autriche : elle n’a point réussi, elle ne pouvait pas réussir, lorsqu’elle usait de cette tactique ; mais les souvenirs de la guerre s’effaçant, et les rapports des souverains devenant plus intimes, l’alliance des deux empires devient possible. Il est facile de comprendre, dans cette situation, ce qui peut sortir de l’entrevue de Stuttgart. Bien des questions seront agitées, on n’en doute pas, et au premier rang celle de l’organisation actuelle de l’Europe. L’empereur Alexandre II est entièrement disposé à souscrire aux combinaisons nouvelles qui pourront se produire. Il ne fait même que se conformer à une tradition russe, en admettant pour la France la nécessité d’élargir sa frontière jusqu’au Rhin. La France peut trouver un autre agrandissement en Savoie, tandis que le roi de Sardaigne s’étendrait en Lombardie. La Prusse, qui ne serait pas oubliée, trouverait des compensations d’un autre côté. En un mot, tout s’arrangerait. Observez bien que les derniers événemens qui ont eu lieu à Constantinople laissent voir comme une ébauche de l’alliance possible de ces quatre puissances : la Russie, la France, la Prusse et la Sardaigne. Les intérêts de quatre états se sont touchés un moment, ils se toucheront encore, et de leur rapprochement naîtra un équilibre nouveau. Voilà ce qui va s’agiter à Stuttgart, voilà l’objet de l’entrevue des deux empereurs ! — Et de fait, on le reconnaîtra, le plan n’est pas moins merveilleux que celui d’Osborne : tout