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paraissent bons quand il n’y en a pas d’autres. Une nouvelle tentative fut donc faite en 1034. Trois années consécutives excessivement pluvieuses avaient occasionné une famine horrible ; les racines, les herbes, la chair des bêtes sauvages ne suffirent plus, les hommes s’égorgèrent pour se dévorer. L’épouvante releva dans les âmes l’idée d’expiation et de pénitence : nouvelles assemblées, nouveau serment, nouvelle charte de la paix, dont les articles sont un tableau de la situation. On y jura que désormais tout homme pourrait « aller et venir sans crainte, même désarmé. » Les voleurs et agresseurs seront punis selon la loi. Les clercs et les religieuses pourront voyager par le pays, et leur présence protégera les laïques qui les accompagneront. On voit quelle était la sécurité des routes, et on peut présumer le reste. Un autre évêque, une de ces bonnes âmes qui gâtent tout en voulant trop faire, alla plus loin encore. D’après une lettre qu’il assurait lui être venue du ciel, il prétendit faire jurer que personne ne porterait plus d’armes, que personne ne réclamerait plus ce qu’on lui avait volé, que personne ne vengerait plus son sang ni celui de ses proches, que tous pardonneraient à leurs persécuteurs et feraient pénitence. Le remède était radical : pour supprimer les brigands, il voulait en faire des saints à l’instant même. Ainsi l’insuffisance d’une mesure faisait courir à une autre, plus insuffisante encore, et on allait du difficile à l’impraticable. Puis, quatre ans plus tard, le zèle en désarroi sauta de cet excès pacifique à l’excès contraire.

Ne pouvant désarmer les seigneurs, on arma contre eux des confréries pieuses, avec serment d’aller en guerre contre les ennemis de la paix. Les prêtres marchaient en avant, portant les bannières de leurs églises, et la multitude les suivait. Ils livrèrent des combats dans le diocèse de Bourges, démolirent des châteaux, mirent plus d’une fois en déroute les seigneurs et leurs hommes, frappés, dit l’auteur de la chronique, d’une terreur divine. Ceci pourrait bien compter parmi les premiers symptômes de la révolution communale, qui, vers ce temps, faisait déjà çà et là quelques explosions ; car ces expéditions populaires, quoique dirigées au dehors de la cité, supposaient entre les bourgeois un certain concert et une énergie qui, s’ils ne venaient pas de la liberté, y allaient. Toutefois une pareille entreprise était encore impuissante. Le temps n’était pas venu où une troupe d’artisans pourrait se mesurer avec les barons et donner l’assaut aux forteresses féodales. Une cruelle défaite dissipa la troupe et l’illusion de l’évêque Aymon, et sept cents ecclésiastiques, restés morts un jour sur le champ de bataille, rappelèrent les autres à l’esprit plus élevé de leurs fonctions.

Pendant cinquante ans, ces essais, toujours repris, échouèrent