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l’homme. Il est intéressant de remarquer que les animaux aujourd’hui rayés, en Angleterre, du livre de la zoologie locale sont les animaux dangereux ou inutiles, tous ceux, en un mot, que leurs mœurs semblaient vouer à la vie sauvage. Les espèces utiles, le bœuf, le cheval, l’âne, la chèvre, se sont au contraire conservées en passant sous la main de l’économie domestique. La plupart des anciens êtres organisés qui manquent maintenant dans les îles britanniques sont donc ceux qui n’ont pu résister au froid ou ceux qui ont voulu résister à l’homme.

Quand on se promène à une certaine distance des côtes actuelles de l’Angleterre, de l’Ecosse et de l’Irlande, il est difficile de ne point remarquer une terrasse plate d’une largeur inégale qui s’adosse à un escarpement plus ou moins redoutable. Sur cette terrasse, beaucoup de villes qui servent maintenant de ports de mer au royaume-uni ont été construites. Aucun géologue ne doute qu’une belle plateforme, au pied de laquelle s’étend un manteau de terre végétale, sable ou gravier, parsemé de coquilles marines, n’ait été, à une certaine époque, la ligne des côtes contre laquelle les flots de l’Océan sont venus se briser par les grosses marées. À cette époque, la mer s’élevait de vingt à trente pieds le long des rivages plus haut qu’elle ne s’élève maintenant, ou bien la terre était de vingt à trente pieds plus basse. Dans certains endroits, cette terrasse s’avance en hardis promontoires ; dans d’autres, elle recule en une baie pittoresque, où l’on découvre des enfoncemens, des cavernes creusées souvent à une profondeur considérable par la vague. Relativement à l’histoire du genre humain, cette ligne de côtes doit être très ancienne, quoique géologiquement récente ; son origine remonte au-delà de toute tradition écrite. Le mur d’Antonin, bâti par les Romains pour les protéger contre les Calédoniens du nord, se trouve calculé, dans la pensée des architectes d’alors, non par rapport à l’ancienne ligne, mais par rapport à la nouvelle ceinture de côtes qui existe maintenant. Nous pouvons donc conclure que dès l’an 140 (l’année où, suivant les antiquaires, la plus grande partie de ce mur fut construite), la zone des anciens rivages avait atteint l’élévation actuelle au-dessus du niveau de la mer. Et pourtant, en arrière et au-dessus de ce rempart, on trouve une autre barrière d’une date beaucoup plus reculée, une seconde terrasse contre laquelle a mugi la mer dans un temps où la première n’existait pas. Nous avons là sous les yeux, étape par étape, l’histoire de la retraite lente et successive des eaux. Si longtemps que la mer ait pesé contre la première ligne des côtes, elle a dû peser durant une période encore plus considérable contre la seconde, si l’on en juge par l’état présent de cet antique rempart et par la profondeur plus grande des cavernes. Eh