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leurs funèbres repas. D’autres naturalistes se sont demandé si dans certains cas un instinct touchant ne poussait pas les animaux malades ou cassés de vieillesse à rechercher de tels endroits profonds, comme des sépulcres de famille, dans lesquels ils venaient mêler leurs dépouilles aux dépouilles de leurs ancêtres. Il se peut encore que ces os aient été engouffrés pêle-mêle dans les trous des montagnes par d’anciennes inondations. Quoi qu’il en soit, les restes découverts dans ces cimetières, au milieu de l’éternelle nuit, montrent que tous les principaux mammifères qui existent maintenant à la surface du globe existaient déjà vers les derniers temps de l’âge pliocène : un seul n’a pas été retrouvé jusqu’ici, l’homme[1].

Tous ces animaux et d’autres encore ont vécu en Angleterre ; ils n’y sont plus. Quelles sont maintenant les causes qui les ont extirpés ? Les géologues avaient d’abord cru que ces espèces anciennes avaient été détruites par une catastrophe universelle et soudaine, à laquelle pas un seul d’entre eux n’aurait échappé. C’était l’opinion de Cuvier. L’école anglaise démontre aujourd’hui que l’extinction de ces grandes créatures a été au contraire lente, successive et déterminée par l’action de causes locales. Une de ces causes a été l’abaissement graduel de la température. Nous avons vu qu’au commencement de la période tertiaire, durant l’âge du vieil éocène, le climat des îles britanniques, avec ses palmiers, ses cocotiers, ses acacias, ressemblait à celui qu’on rencontre aujourd’hui dans les contrées favorisées par le soleil. Cette flore primitive avait été remplacée par la flore du miocène, dans laquelle on retrouve encore les indices d’un climat chaud, mais moins tropical que celui de la division précédente. Enfin les dépôts de la formation pliocène, qui viennent immédiatement à la suite, contiennent des débris qui annoncent que la température s’avançait vers les conditions actuelles de la Grande-Bretagne, si même elle ne les avait point atteintes. Des peupliers, des saules, des châtaigniers, des ormes, des sycomores et autres arbres communs vivaient déjà dans les lieux où ils florissent encore maintenant. Après avoir parcouru dans la suite des âges l’Afrique, l’Australie, l’Amérique du Sud, le botaniste, à la fin de son voyage à travers le sous-sol de l’Angleterre, se retrouve comme en pays de connaissance. Sir Charles Lyell a serré les faits de plus près pour arriver à une démonstration décisive de l’échelle décroissante des températures : il s’est adressé aux coquilles, qui servent encore aujourd’hui à marquer le degré thermométrique des mers, dans lesquelles vivent les mollusques, habitans de ces coquilles. Une

  1. On a bien découvert des restes humains mêlés à des débris de poterie dans la caverne du Kent’s hole ; mais les géologues considèrent ces restes comme d’une origine postérieure à celle des ossemens fossiles.