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de la nature est en effet une histoire, et une histoire appuyée sur des monumens non moins certains que celles de Tite-Live et de Tacite. La plupart des animaux éteints ont écrit dans les feuillets de pierre leur autobiographie. Mourir sans disparaître, laisser sa forme sur le fond ténébreux de son époque, ce rêve des ambitieux a été réalisé par de rampantes et brutales créatures. Le monde dont elles dessinent les principaux traits a existé ; le soleil et les astres qui nous éclairent l’ont vu ; la mer l’a vu et y a laissé le pli de ses marées ; les entailles de la terre l’ont vu et s’en souviennent. Ce monde va finir, et avec lui les habitans qui l’animaient. Telle est la marche générale de la nature : les familles animales débutent par de faibles commencemens, presque par des essais ; elles s’élèvent dans les âges qui suivent au zénith de leur développement, puis, après avoir tenu quelque temps le sceptre de la création vivante, elles s’effacent, ne laissant après elles sur la terre que d’obscurs représentans de leur ancienne puissance.

La fin du monde que les géologues anglais ont appelé mésozoïque (moyen âge des choses créées) paraît avoir été marquée par des ravages. On retrouve, à la surface des masses de craie, les traces d’une époque de dissolution, mais de dissolution lente. L’école anglaise accuse Cuvier d’avoir méconnu l’action des causes infiniment faibles, mais infiniment répétées. Cette puissance une fois négligée, il lui a fallu exagérer le caractère des anciens cataclysmes. Le défaut de ce système est, dit-on, de rapprocher des faits qui ont dû se passer à une grande distance les uns des autres. Au milieu de ces changemens à vue, où les anciens mondes ne paraissaient que pour être brisés, et où les êtres organisés ne venaient à la lumière que pour retomber dans l’éternelle nuit, on perdait l’enchaînement des causes qui avaient préparé ces grandes révolutions de la vie. Des études plus minutieuses ont démontré que le moyen âge de la terre ne s’était point terminé par des coups de théâtre. La science britannique aime aujourd’hui à reconnaître que la main du Créateur, c’est le temps. Les années et les années, les siècles et les siècles ont laissé tomber lentement leurs grains de poussière dans les dépôts arénacés, vastes sabliers de la nature qui surplombent en Angleterre la formation de la craie. On avait également cru, dans l’enfance des connaissances géologiques, qu’il y avait eu à la fin de cette période un anéantissement de tous les êtres créés, suivi d’un renouvellement total de la vie. Cette théorie est aujourd’hui fort abandonnée. La nature animale a, il est vrai, subi un changement considérable, et