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M. Bensted reconnut que ce qu’ils prenaient pour du bois étaient des os fossiles. Comme ces restes cyclopéens étaient épars et enveloppés dans un bloc de pierre très-dure, il fallut plus d’un mois de travail pour les dégager[1]. Cet exemplaire est maintenant au British Muséum.

Je me suis attaché à montrer ce que les événemens généraux de notre planète avaient eu de particulier et de local dans la Grande-Bretagne. Les trois groupes de terrains distribués par grandes bandes au centre et au midi de l’Angleterre, — le nouveau grès rouge, l’oolithe et la craie, — constituent, malgré des traits bien distincts, un ensemble de roches qu’une forme animale frappe d’un cachet d’unité : c’est le reptile. Quelle était la physionomie des îles britanniques sous le règne de ces êtres extraordinaires dont la dynastie va s’éteindre ? Pour répondre à une telle question, il faut chercher à la surface actuelle du globe un endroit qui se rapproche des mêmes conditions de la vie. Les îles britanniques devaient alors ressembler à un groupe de petites îles situées maintenant sous l’équateur, à l’ouest de la côte du Pérou, et qui ont été appelées terres de reptiles à cause du grand nombre de serpens, de lézards et de tortues qui y pullulent. Si, comme il y a lieu de le croire, les climats modernes ne sont que d’anciens états de choses fixés, localisés, cet archipel est le point géographique où la terre, si l’on peut ainsi dire, a le mieux conservé les traits de son adolescence. L’Angleterre, pareille à ces îles chaudes et basses, était alors un bourbier où croissaient des calamités et d’autres plantes de marais, aujourd’hui éteintes. Là, une population de reptiles a vécu ; là, les crocodiles de ce temps, les lézards, les monstrueuses tortues s’enfonçaient dans une jongle humide, une sombre fondrière, près de laquelle les Marais-Pontins seraient une terre de salubrité. Dans ce marécage nauséabond, sain pour eux et favorable au sauvage développement d’une flore aquatique comme à la croissance de certains grands arbres, ces monstres se sont vautrés au soleil : dans ce gîte, ils rugirent leurs féroces amours, ils se firent la guerre ; l’un d’entre eux a traversé les airs peuplés par une multitude d’insectes. Les oiseaux avaient paru sur la terre, et parmi eux le gigantesque dinornis aux ailes courtes, pareil à nos autruches, mais dont la taille dépassait dans certains cas celle du chameau. Tous ces habitans des anciennes îles et des anciennes mers britanniques ont trouvé leur historien, M. Richard Owen[2]. Ce qu’on serait tenté de prendre pour le roman

  1. De même que dans l’état présent des choses, les plus grands mammifères appartiennent aux familles herbivores ; ainsi l’iguanodon, ce reptile qui se nourrissait de végétaux, est le plus grand des reptiles de l’ancien monde.
  2. History of British fossil Reptiles, by Richard Owen. — Comme Geoffroy Saint-Hilaire en France, le géologue anglais professe que les animaux d’un âge plus reculé sont les embryons des êtres qui leur succèdent sur l’échelle des temps et des terrains ; ils se sont arrêtés aux conditions de la vie que traversent aujourd’hui dans le ventre de leur mère les représentans des espèces éteintes.