Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/403

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

érosive des eaux douces. Les monceaux de sable qui la recouvrent sont les lits d’anciennes rivières ou mieux de lacs situés à l’embouchure des grands fleuves qui ont altéré par ce sédiment, riche en débris fossiles, la surface immaculée de la craie, linceul elle-même des anciens êtres marins ; mais pour assister au dénoûment de cette longue époque de la nature, il faut nous transporter sur un nouveau théâtre de faits.

À la surface du Kent et du Sussex s’étend une grande vallée appelée Weald (contrée sauvage et inculte), qui a donné son nom à une province géologique, le Wealden. On rapporte l’origine de cette formation à un grand delta. La manière dont les restes d’animaux terrestres se rencontrent épars dans le Wealden, l’entremêlement de cailloux semblables à ceux que roule et use maintenant le cours de nos rivières, disent assez que l’embouchure d’un grand fleuve, pareille aux bouches du fleuve des Amazones ou du Mississipi, couvrait alors la partie sud-ouest de l’Angleterre ; seulement, quel était le continent par lequel cette grande rivière était alimentée ? « Ici, dit Lyell, je serais tenté de croire à l’ancienne existence de l’Atlantide de Platon. » On se croirait transporté dans le monde des rêves, et pourtant la science moderne, appuyée sur les monumens les plus certains, déclare que, eux aussi, les continens, périssent. Après avoir surgi du fond de la mer, les terres peuvent être usées par l’action des eaux et replongées dans le sein de l’abîme ; mais de nouvelles terres se reforment ensuite de ces ruines. Dans les masses pierreuses du Wealden ont été trouvés les restes d’un nouveau reptile, l’iguanodon. Au printemps de 1822, la femme d’un médecin de Lewes, jolie ville dans le comté de Sussex, se promenait le long des sentiers pittoresques de la forêt de Tilgate, quand elle découvrit dans les roches d’une ancienne carrière un objet qui lui parut de nature à intéresser son mari, le docteur Mantell. Ce géologue distingué reconnut que les fossiles remarqués par sa femme étaient les dents d’un grand animal perdu. « Comme ces dents, raconte-t-il lui-même, se distinguaient de toutes les autres qui étaient auparavant tombées sous ma vue, je fus jaloux de me les procurer : n’avais-je pas là quelque phénomène nouveau, un reptile herbivore ? » Il lui fut donné plus tard d’éclaircir ses doutes. Durant vingt années, des os et des dents d’iguanodon ayant appartenu, d’après ses calculs, à soixante-dix-sept individus passèrent entre les mains du docteur Mantell ; c’était bien un reptile herbivore. L’exhumation de ces géans qui revoient la lumière après tant de milliers de siècles sous le ciel pâli de la Grande-Bretagne donne lieu, dans les carrières, à des scènes intéressantes. En mai 1834, les ouvriers d’une carrière située près de la ville de Shanklin attirèrent l’attention du propriétaire, M. W. Bensted, sur ce qu’ils supposaient être du bois pétrifié.