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Ils atteignent pourtant encore de nobles proportions dans le mososaure, qui semble avoir eu trente-cinq pieds de longueur, et dont la queue aidait l’animal à nager. Le ptérodactyle se montre encore ; les plus grands exemplaires connus de ce dragon volant ont été découverts dernièrement dans une fosse de craie à Barham, dans le Kent ; mais c’est ici le terme de sa puissance. La vie des espèces animales est limitée dans le temps comme dans l’espace. Nous en avons donc fini, ou peu s’en faut, non-seulement avec le ptérodactyle, mais avec ces étonnans reptiles du lias et de l’oolithe, qu’on dirait créés dans une nuit de cauchemar par la fantasia de la nature. Écartons pourtant l’idée de prodige à la vue de leurs invraisemblables dépouilles : ces monstres n’étaient point des monstres pour leur époque. De même que dans l’état actuel des choses, les animaux extraordinaires annoncent des contrées excentriques, de même les reptiles des anciens âges étaient adaptés aux conditions d’un monde différent du nôtre. On peut se faire par eux une idée des milieux dans lesquels ils ont vécu.

Les couches de craie sont recouvertes, dans le Kent, par d’énormes entassemens de sable. Quelquefois les pentes d’une montagne ont été dénudées par d’anciens ravages, et vous voyez alors du bas d’une vallée ombreuse et profonde, creusée en entonnoir, se dresser devant vous un mur d’ocre jaune, plus ou moins crevassé, auquel s’accrochent des mûriers sauvages. De ces précipices de sable se détachent de temps en temps de gros blocs solides qui roulent au fond du ravin, et sur lesquels s’asseoient des enfans, des bergers, sans se douter que ces quartiers de roches sont d’anciens arbres pétrifiés, les ruines d’une forêt de silex qui tombent quelquefois au pied d’une forêt vivante. Ces débris sont si abondans, que dans certains endroits on les casse et on les emploie en guise de cailloux à consolider les routes. Quelques-uns de ces arbres pétrifiés ont été autrefois arrachés à la naissance des racines ; ils ont séjourné sous l’eau, car on retrouve des coquilles enserrées dans leur écorce. Quelques branches portent encore la trace du ver qui les a rongées. Ce ver était le teredo, un insecte des contrées chaudes. Nous avons ainsi la preuve que ces branches ont longtemps flotté à la surface de l’eau avant de s’engloutir dans le sable ou dans la vase. Il y a d’autres localités où ces masses arénacées, qui se superposent à la craie, ont été mises à nu par le travail de l’homme. J’ai vu à New-Charlton de véritables carrières de sable qu’on prendrait pour les ruines d’une cité babylonienne ; ces sables se vendent, selon la qualité, 4 et 7 shillings la tonne ; on les utilise dans les poteries ; on en fait des moules d’ancres marines et d’autres instrumens de fonte ; on s’en sert pour lester les navires. De tels dépôts proclament que la surface de la craie, après avoir été consolidée, fut longtemps exposée à l’action