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matériaux que roulaient les rivières, recouvrit le dirt bed. Enfin, séparée de la masse par quelque convulsion intérieure, toute la région fut engloutie de nouveau au fond de l’abîme jusqu’au jour où, à la suite de changemens et de dépôts successifs, l’île de Portland s’est enfin relevée, et a pris la position qu’elle occupe sur le détroit.

Les carrières de Portland racontent l’histoire des variations du sol ; celles de Slonesfield (champs de pierres), si riches en fossiles, contiennent les chroniques de la vie. L’avènement des grands reptiles à la surface des îles britanniques se continue de terrain en terrain, comme d’époque en époque la filiation généalogique des familles qui se transmettent dans les anciennes histoires le gouvernement d’une contrée. Les vastes pyramides d’oolithe renferment les dépouilles du mégalosaure, ou le lézard géant, qui, plus heureux que les anciens rois d’Égypte dont parle Bossuet, a du moins joui de son tombeau. Le squelette de cet animal n’a pas été rencontré entier ; mais des ossemens dans un état de conservation parfaite ont été découverts, et les naturalistes, en comparant ces débris entre eux, ont reconstitué la forme et l’histoire de ce monstre épique, un des dieux destructeurs de son époque. Le mégalosaure était carnassier. Tout ce que l’imagination peut inventer de terrible se trouvait réuni chez ces grands dépopulateurs des mers : une armure d’écailles d’une force prodigieuse, une capacité du tronc qui excède celle des plus grands crocodiles, des dents qui annoncent un appétit féroce. On tremble à l’idée des millions d’êtres qui ont dû s’engloutir dans ce gouffre vivant et béant. Une autre créature de ces temps héroïques était le téléosaure. Ce reptile éteint ressemblait quelque peu au gavial actuel du Gange. Comme ses restes ont été trouvés seulement dans des terrains sédimentaires, on en a conclu que l’ancien gavial britannique devait être plus strictement marin que le crocodile au museau pointu des Hindous. Les reptiles abondaient ; ils se disputaient la mer et la terre : c’était leur âge ; mais dans les champs de pierre où les êtres effacés du livre de la vie ont laissé leurs dépouilles, une découverte a surtout étonné les naturalistes. Là se montrent pour la première fois les traces d’un animal qui, comme notre hérisson de haies, se nourrissait d’insectes, et qui, comme l’opossum des Américains, avait une poche sous le ventre pour recevoir ses petits. Aux yeux des géologues, qui admettent le développement de la vie, cet être singulier, le plus ancien des mammifères connus, fut le précurseur de leur règne. La famille des marsupiaux (animaux à bourse), dont le phascolothérium est l’allié naturel, ou, si l’on veut, le précurseur, se trouve aujourd’hui confinée dans les Galles du sud ou dans la terre de Van-Diemen. Les pins araucaniens abondent aujourd’hui dans l’Australie, comme ils abondaient en Angleterre dans la période dont les carrières de Stonesfield ont perpétué