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qu’ils fussent en mesure de varier par des achats de vivres l’ordinaire que leur accordait le gouvernement.

Les médecins en chef des provinces de l’Égypte avaient reçu l’ordre de se rendre sur les lieux, accompagnés de leurs aides. On pouvait craindre une épidémie : des cas de choléra avaient été signalés à Alexandrie ; enfin on avait le souvenir de la catastrophe de 1819. Néanmoins, grâce aux sages précautions de l’autorité, le curage du canal fut exécuté en vingt-deux jours, sans qu’on eût perdu un homme, et sans qu’on eût compté plus de cinq malades par mille ouvriers. De plus, une belle route de dix mètres de large avait été construite dans le même espace de temps avec les vases mêmes retirées du canal. Cette route rend aujourd’hui de très grands services.

En définitive, cette opération a prouvé qu’on pouvait employer des centaines de mille hommes à un travail d’utilité publique en Égypte sans qu’il en résultât aucun accident. C’est un précédent qu’il est bon de noter et qui peut servir de réponse à ceux qui gémissent d’avance fort gratuitement sur le sort des fellahs dont les services pourraient être réclamés pour le percement de l’isthme de Suez. L’Égypte a l’habitude des grandes réunions d’hommes formées pour des œuvres pareilles. Il suffit d’interroger l’histoire pour s’assurer que les monumens impérissables du pays sont l’œuvre de populations entières. L’humanité demande seulement qu’on régularise cet usage, qu’on le rende lucratif pour les ouvriers, et c’est ce qui a été fait.

L’opération si importante du curage du Mahmoudieh a été complétée récemment par la formation d’une compagnie de remorquage sur le Nil. L’approvisionnement d’Alexandrie dépendait entièrement de l’arrivage des barques qui descendaient le Nil à la voile. Les vents sont très variables sur ce fleuve ; aussi a-t-on vu des embarcations mettre quinze jours à venir du Caire à Alexandrie, trajet qui peut se faire en trente-six heures. Non-seulement le commerce d’Alexandrie s’est trouvé souvent fort gêné par les retards continuels provenant de ce mode de navigation, mais l’alimentation même de cette ville en a souffert, et l’on a vu les habitans réduits presque à la famine, alors que la culture dans toute la Basse-Égypte avait donné des produits très abondans. Aujourd’hui cette situation a cessé. Une compagnie s’est formée pour exploiter le privilège du remorquage à vapeur, et le vice-roi, en lui concédant pour quinze ans ce privilège très lucratif, a exigé en retour qu’elle concourût à la prospérité de la région baignée par le Nil et le Mahmoudieh par l’exécution de quelques travaux d’une haute utilité pour les propriétaires riverains. Ainsi l’acte de concession impose à la compagnie l’obligation d’établir à la prise d’eau du Mahmoudieh dans le Nil une nouvelle écluse