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de médecine, de médecine vétérinaire, d’agriculture, de langues, de musique militaire, d’arts et métiers. Dans la plupart de ces derniers établissemens, l’enseignement comprenait les élémens de la langue française. Plusieurs des écoles fondées par Méhémet-Ali étaient nées sous l’empire de circonstances tout exceptionnelles ; elles ne pouvaient raisonnablement être maintenues après la lutte à laquelle vint mettre fin le hatti-chérif de 1841. Le prince qui entretenait une armée de cent soixante mille hommes avait à préparer tous les moyens de conduire, d’approvisionner et de soigner une réunion d’hommes si considérable : tandis qu’on recrutait des soldats dans le pays, on élevait des officiers dans les écoles, on y formait des médecins ; mais c’eût été folie que de conserver à grands frais de telles institutions, lorsque l’armée avait été réduite à douze mille soldats. Mohammed-Saïd n’a donc pas songé à relever de leur ruine des établissemens purement militaires, tels que l’école du génie, l’école d’artillerie, l’école de cavalerie, l’école d’infanterie. Il a remplacé tous ces établissemens par deux écoles spéciales, l’école d’état-major et l’école militaire, qui suffiront amplement aux besoins d’un effectif sagement réduit.

Il n’en était pas de même de l’école de médecine, fondée par Clot-Bey, et qui, avec le temps, peut doter l’Égypte d’un corps de médecins indigènes, procédant d’une manière régulière d’après les méthodes usitées en Europe. Quant aux médecins européens établis dans le pays, leur science ne profite guère qu’à leurs compatriotes ou à l’aristocratie, car ils ne peuvent avoir aucun accès auprès de la masse des habitans, dont ils ignorent le langage, dont ils froissent involontairement les usages, et à qui ils inspirent, en qualité de chrétiens, une défiance, pour ne pas dire une répugnance, difficile à vaincre. L’école de médecine fut fondée sous Méhémet-Ali, en 1827, à l’hôpital d’Abouzabel et transférée ensuite au Caire. Cet établissement ne fut pas très heureux à sa naissance ; il excita beaucoup de répugnance religieuse, beaucoup de jalousies : on prétendit que l’enseignement y était mal dirigé et à peu près stérile. Des élèves rassemblés un peu au hasard ne pouvaient assurément pas du premier coup former des officiers de santé très capables. Tels qu’ils étaient, ils valaient déjà beaucoup mieux sans doute que les barbares praticiens du pays. Une telle institution ne pouvait évidemment qu’être défectueuse au début ; mais elle avait un grand avenir, et méritait qu’on l’encourageât et qu’on en assurât le maintien.

Méhémet-Ali, après les désappointemens de 1840, eut un mouvement d’humeur contre l’Europe. Les coups de canon tirés contre ses troupes lui semblèrent impolitiques et inintelligens ; ils faisaient brèche à l’édifice de civilisation qu’il avait construit avec des matériaux