Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/353

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui marchent pieds nus et sont misérablement vêtues d’une blouse de coton bleu.

Le vice-roi, en assurant de telles ressources au peuple placé sous son autorité, a mérité non-seulement la reconnaissance de ses sujets, mais aussi l’estime de l’Europe. Il n’a d’ailleurs laissé subsister aucune trace du système qu’il s’était, proposé de changer ; il l’a réformé dans toutes ses ramifications. Considérant que la liberté et la rapidité de la circulation sont absolument nécessaires au développement de la production et du commerce, il avait aboli, comme on sait, toutes les douanes intérieures. Il a continué son œuvre en supprimant un autre genre de monopole également très nuisible : c’est celui dont la navigation de la Mer-Rouge était devenue l’objet. Autrefois le gouvernement égyptien avait établi à Suez une règle d’après laquelle les bateaux ne pouvaient sortir du port que par ordre de numéros. Tant que le numéro 1 n’avait pas terminé son chargement ou n’était pas prêt à partir, le numéro 2 était obligé d’attendre, et ainsi de suite. Les expéditeurs de marchandises par la Mer-Rouge, pour peu que l’envoi fût urgent, étaient donc obligés d’en passer par toutes les conditions qu’il plaisait au patron du bateau portant le numéro 1 de leur imposer. Les marchandises avaient ainsi à supporter soit un fret excessif, soit des retards ruineux. Mohammed-Saïd a supprimé ce règlement barbare. Maintenant on charge les bateaux à fret quand on peut, on les expédie quand on veut ; les règlemens du port n’ont rien qui puisse ralentir les mouvemens de la navigation, et le fret, livré à la libre concurrence, a diminué sensiblement.


III

L’œuvre réformatrice qui a donné à l’Égypte un meilleur système d’administration et de propriété se complète par des mesures destinées à développer les aptitudes diverses de la population égyptienne, soit en cultivant son esprit, soit en ouvrant à son activité la carrière des grands travaux industriels.

Quel système d’instruction publique fallait-il adopter en Égypte ? Méhémet-Ali n’avait pas hésité à organiser l’instruction publique de son pays sur le modèle de la nôtre. Il avait nommé un ministre de l’instruction publique et constitué sous la présidence de ce haut fonctionnaire un conseil de l’enseignement. Il avait divisé les écoles en trois groupes : les écoles primaires, où l’on enseignait les élémens de la langue arabe et l’arithmétique ; les écoles préparatoires, où l’on apprenait la langue turque, les mathématiques élémentaires, la géographie, l’histoire, le dessin ; les écoles spéciales, qui étaient celles du génie, dite polytechnique, d’artillerie, de cavalerie, d’infanterie,