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on s’ingénie à trouver des mécanismes pour toute chose, sans en excepter l’exercice des vertus. Et pourtant M. de Magnitot repousse, pour la combinaison qu’il a fait prévaloir, une assimilation quelconque avec l’assistance légale : c’est là une prétention qui ne peut être admise. Aux yeux des personnes qui ne se paient pas de mots, ces engagemens réguliers ne sont, sous une forme ingénieuse, que de l’assistance légale, et du caractère le moins ambigu. Comment nommer autrement une taxe, même volontaire, quand elle a cinq ans de durée, s’acquitte chez le percepteur du canton et sert à composer un fonds charitable dont les agens de l’autorité sont les dispensateurs ? C’est si bien de l’assistance légale, que l’insuffisance des souscriptions est couverte, d’après l’aveu du préfet, au moyen d’une somme mise à sa disposition par le conseil général et accrue par les libéralités du gouvernement.

Ce n’est pas là d’ailleurs un problème résolu, c’est tout au plus un problème ajourné. Après cinq ans de répit, on se retrouvera en face des mêmes nécessités, et il faudra refaire le même effort. Où est la garantie d’un second succès, et après un second succès, d’un troisième ? L’humeur est changeante en France ; on y a du goût pour les nouveautés, mais on laisse volontiers les choses tomber en désuétude. Ce n’est plus ici cette terre d’outre-Manche où l’on respecte jusqu’aux abus, pourvu qu’ils soient anciens ; c’est le pays de la mode, qui met au rebut une institution dès qu’elle lui semble usée et dénigre tout ce qui ne s’impose pas. Cette objection écartée, il s’en présente une plus grave. On a vu, et le préfet de la Nièvre a soin de le constater dans son ouvrage, qu’une bonne portion des mendians du département passa dans les départemens voisins, sur les premières terreurs causées par la réforme, c’est-à-dire qu’au lieu de se guérir, le mal, pour cette catégorie de nécessiteux, ne fit que se déplacer. La Nièvre fut délivrée, mais au préjudice de l’Allier, du Loiret et de la Côte-d’Or, qui virent affluer un surcroît de pauvres, et les pires d’entre les pauvres, les incorrigibles et les vagabonds. Or est-ce bien de la justice ? est-ce même de la bonne administration ? On trouverait étrange un système de voirie qui ne déblaierait une rue que pour en encombrer une autre ; c’est ce qui a lieu en matière de mendicité. Là où le département affranchi s’applaudit, les départemens envahis se lamentent ; les opinions se séparent comme les intérêts. Il y a plus : les charges se distribuent en raison inverse des forces. Les départemens où la mendicité a pu être abolie sont en général des départemens riches, populeux, ayant ou des finances en bon état ou les moyens de les ranimer par le crédit ; les départemens où la mendicité est encore tolérée sont des départemens d’un rang secondaire, manquant de fonds, même pour l’établissement d’un dépôt, et regardant l’extinction du fléau comme