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chiffre et le mode de souscription, l’acquiescement ou le refus. Seulement, comme l’œuvre ne pouvait réussir qu’avec des conditions de durée, l’engagement devait être pris pour cinq ans, et la somme acquittée par fractions tous les trois mois entre les mains du percepteur du canton et sous la forme de contribution directe.

C’était là, il faut en convenir, une initiative hardie, et à l’appui de laquelle un peu d’habileté administrative n’était pas de trop. Les bourses sont en général rétives, et un engagement de cinq ans est bien long ; mais un préfet a des prestiges auxquels tout cède ! Tant de gens attendent de lui un sourire ou une faveur, que ses désirs éprouvent rarement de grandes résistances. Il a des auxiliaires partout, aussi bien dans les corps électifs que dans l’administration salariée. M. de Magnitot n’eut qu’à faire un appel ; tout le monde se rangea sous son drapeau. Il eut le conseil général et les conseils municipaux, il eut le clergé et un beau mandement de l’évêque, il eut les maires, les officiers ministériels, les agens des finances, toutes les influences de la commune, du canton et de l’arrondissement ; il eut ce qui mène un département et s’impose à la masse. L’œuvre d’ailleurs se recommandait par elle-même ; elle était belle, elle était grande, elle parlait au cœur et à la raison. Après quelques mois d’efforts, les listes de souscription accusèrent un chiffre de 242,321 fr. 91 cent, d’engagemens volontaires pour une période de cinq années. Aucune expérience ne pouvait être plus concluante, ni mieux témoigner de l’ascendant personnel de l’administrateur. Désormais l’abolition de la mendicité se présentait dégagée des obstacles qui l’avaient fait ajourner : un décret en date du 24 janvier 1855 autorisa la création d’un dépôt dans le département de la Nièvre.

Quelle influence cet ensemble de mesures a-t-il exercée sur la condition des classes nécessiteuses ? C’est un point sur lequel M. de Magnitot ne s’explique pas suffisamment, et cela se conçoit : son acte et son livre sont presque de la même date. La période écoulée n’est pas assez longue pour fournir les élémens d’un jugement définitif. Cependant les premiers effets de la réforme sont curieux à noter. Parmi les individus qui vivaient du produit de la mendicité, les uns transportèrent ailleurs leur industrie, et cela dans une proportion telle qu’un département limitrophe en jeta des cris d’alarme ; d’autres se résignèrent à rentrer, suivant leur langage, dans la vie privée et passèrent à l’état d’honnêtes rentiers. Les plus singulières découvertes furent faites à ce moment. Tel malheureux, couvert de haillons hideux à voir et qui depuis vingt ans harcelait le passant de ses cris et de ses prières, était propriétaire de deux maisons d’un bon produit, tel autre avait une somme d’argent placée chez son notaire. Il en est, parmi ces industriels, qui, ne pouvant s’accoutumer à l’idée de dépenser leur propre revenu, essayèrent de se faire