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n’y suffiraient pas ! On sait combien il y en a d’obérés, et de quel poids sont pour eux les centimes facultatifs qu’on multiplie avec plus de prodigalité que de prudence. Puis ces dépôts auraient besoin, en se généralisant, de sortir du caractère mixte qu’on leur a attribué dans plusieurs localités. Ils sont à la fois une prison et un asile, et reçoivent indistinctement des mendians libres et des mendians frappés par la justice. Ce procédé a des dangers : il confond ce qui ne devrait pas être confondu. Pour le mendiant condamné, le séjour a une limite naturelle, celle de la peine ; pour le mendiant libre, où est la limite ? On en vient ainsi, par la force des choses, à constituer de véritables établissemens hospitaliers dont le maintien est au-dessus des forces des départemens, et qui, même dans les mains de l’état, constitueraient à la fois une dépense difficile à calculer et un dommage l$en plus grand encore pour l’activité du pays, On conçoit donc que là où ils existent, les dépôts de mendicité soient incomplets et impuissans, et que là où ils n’existent pas, on se montre peu empressé à en créer. Le vice de ces institutions est toujours le même : donner de la sécurité à la misère, lui fournir des garanties, lui ménager des perspectives, lui reconnaître un droit. Que ces institutions se présentent sous la forme de peine ou sous la forme de secours, l’abus peut varier sans être moins réel : dans la déchéance, la peine et le secours se confondent quand la sécurité est au bout. C’est ainsi que dans tous les temps et sous tous les régimes on a fait des pauvres en se proposant de les soulager, et que leur nombre s’est élevé en raison de la régularité de l’assistance.


II

Ce qu’il y a surtout d’intéressant dans l’ouvrage qu’a publié M. de Magnitot, préfet de la Nièvre, c’est l’expérience qui lui est personnelle et qui a eu pour siège le département qu’il administre. Autant que personne, je rends justice aux recherches historiques dont il a éclairé et accompagné son sujet, aux détails curieux qu’il donne sur la charité préventive ou active, indirecte ou directe : qu’il me permette néanmoins d’en venir sur-le-champ à son titre le plus réel, à la métamorphose administrative dont il a été le promoteur.

La Nièvre était naguère au nombre des départemens qui n’avaient pas de dépôt de mendicité. Une ordonnance rendue le 17 octobre 1847 n’avait pu aboutir par suite des événemens de février 1848 : le voisinage de ces deux dates explique un premier avortement. Dès son arrivée dans le département, M. de Magnitot s’occupa de reprendre et d’assurer l’exécution de la mesure. Le temps et la localité s’y prêtaient mal : c’était en 1854. Deux mauvaises récoltes pesaient sur les campagnes, et l’on sait à quel point les habitudes