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nécessaire, et, malgré le respect des Anglais pour leurs vieilles lois, elle eut lieu.

Le trait essentiel de cette réforme fut d’affranchir les paroisses de leur responsabilité, ou tout au moins de la rendre plus légère. On ne conserva de l’ancienne organisation que des agrégations ou unions de paroisses créées par un statut de George III, et qui avaient la puissance et les ressources nécessaires pour gouverner et entretenir leurs nécessiteux. Le reste releva d’une autorité unique, chargée de rechercher et de combattre ce que l’indigence légale avait d’excessif et d’artificiel. En même temps que la loi maintenait le secours, elle imposait le travail, et des établissemens spéciaux étaient fondés, avec la contrainte comme sanction et la séparation des sexes comme moyen de discipline. On ne renonçait pas au principe, on en réglait seulement l’application de manière à le rendre moins abusif. Les résultats ne trompèrent point ces espérances, et trois ans après cette réforme, la taxe était déjà réduite de 2,271,514 livres sterling (56,818,050 fr.). Elle s’est relevée depuis lors, sous l’influence de causes accidentelles, comme l’insuffisance des récoltes, la cherté des vivres et les fluctuations du travail manufacturier, sans qu’on en puisse tirer une conclusion défavorable contre l’efficacité du nouveau système. Seulement, tout mitigé qu’il est, le principe subsiste : c’est toujours l’assistance officielle. Le droit du pauvre est inscrit dans la loi ; elle se borne à en régler l’exercice. Là sont l’écueil et le danger ; on a enrayé, mais on est toujours sur la même pente. Le droit pour l’assisté exclut presque le devoir chez celui qui assiste ; dès que l’état s’en mêle, l’individu peut s’effacer ; les bourses privées ne se mettent pas volontiers à la suite du trésor public, et à moins de se payer d’illusions, il faut convenir que l’un des deux modes de secours nuit à l’autre.

La France, au milieu d’essais contradictoires, ne s’est jamais engagée aussi avant dans cette voie ; elle a su ménager à la charité libre une part beaucoup plus grande. La mobilité des habitudes et l’inconstance des institutions l’ont servie en cela. On n’a manqué ni de projets ni même de décrets ; ces projets, ces décrets, sont restés en partie sur le papier. Ainsi, quand à la suite des proscriptions révolutionnaires, le clergé eut pour ainsi dire disparu, et avec lui cette épargne dont il disposait en faveur des pauvres, il y eut, de la part des gouvernemens qui se succédaient, plus d’un effort et plus d’un retour pour résoudre un problème que la misère des temps rendait plus terrible. La constituante, en frappant la mendicité, essaya d’organiser un système de secours et de travaux dont le moindre défaut était l’impuissance. La convention fit plus encore : avec la solennité qu’elle mettait dans les mots, elle déclara que l’assistance des pauvres était une dette nationale, et qu’il y serait pourvu