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Je n’ai pas à discuter ces conjectures ; c’est aux philologues, aux orientalistes, aux théologiens de profession, d’examiner ces résultats de la critique. Si je voulais, non pas juger M. Volkmar, mais marquer seulement la place qu’il occupe dans l’histoire des idées religieuses au XIXe siècle, un volume n’y suffirait pas. Il y a aujourd’hui, en dehors des théologiens qui prennent au pied de la lettre le récit de l’Évangile, deux grandes écoles théologiques, — l’école de Tubingue, dont l’illustre chef est M. Ferdinand Christian Baur, et l’école de Goettingue, représentée par le poétique et belliqueux M. Ewald. M. Baur et M. Ewald sont des pasteurs, des professeurs de théologie, et ils enseignent dans les deux universités où se recrute la plus grande partie du clergé luthérien ; qu’on se figure ces hommes austères, dévoués à la foi et à la science, courbés toute leur vie sur le texte de l’Évangile pour en donner aux ministres de Jésus-Christ une explication qui défie le scepticisme. M. Baur est le créateur de la véritable critique des livres saints, et, quelques erreurs qu’il ait pu commettre, sa science, sa bonne foi, la pénétration de son génie, cette ardente passion du vrai qui le soutient depuis plus de trente ans au milieu des plus effrayans labeurs, lui assurent une place immortelle dans le mouvement philosophique et religieux de notre âge. M. Strauss disait : « La légende de Jésus est sortie de l’imagination religieuse de l’humanité. » Quand, comment, à quelle occasion, par qui avait été créée cette légende extraordinaire ? M. Strauss ne l’expliquait point, ou du moins il se contentait de ces formules hégéliennes : « le développement de l’esprit infini, la conscience théologique du genre humain. » Tout cela était bien vague. M. Baur, sorti aussi du mouvement hégélien, mais esprit indépendant, original, avide de notions précises, se donna la tâche de chercher entre les mains de quels personnages et sous quelles influences s’était formée la tradition évangélique. Le sens de l’histoire, qui manque presque complètement à M. Strauss, entra tout à coup dans la théologie hégélienne, et y produisit un mouvement inattendu. L’érudition la plus minutieuse remplaça les sentences à priori ; on interrogea dans ses moindres détails la vie des premiers siècles chrétiens, la littérature hébraïque et talmudique vint expliquer les paroles des pères, les évangiles apocryphes furent comparés aux textes canoniques, et la prétention de cette enquête, qui se poursuit encore, fut d’établir que tel évangile avait été composé dans telle circonstance, pour tel dessein, contre tels ou tels adversaires, en un mot de marquer le caractère particulier, la forme périssable imprimés par l’esprit de l’homme à des vérités éternelles.

Un des grands résultats des recherches de M. Baur, c’est l’histoire développée de l’opposition de saint Pierre et de saint Paul, du christianisme judaïsant et du christianisme universel. Lorsque