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évangiles, celui qui porte le nom de saint Marc. L’intention de l’auteur est visible dès le premier verset : Initium evangelit Jesu-Christi filii Dei. Les chrétiens judaïsans disaient toujours : Jésus-Christ, fils de David, fils des rois d’Israël, annoncé par les prophètes d’Israël. Le paulinien qui répondait à l’Apocalypse mettait à la première ligne de son récit ces mots décisifs : Jésus-Christ, fils de Dieu, et par là il marquait le vrai caractère de la doctrine du Messie. Le fils de Dieu ne pouvait être revendiqué par une seule race, il appartenait à l’humanité tout entière, et le rôle de saint Paul était justifié.

Cet évangile primitif, attribué à saint Marc, mais qui, selon la critique allemande, a été composé à Rome en latin et probablement après la mort de cet apôtre, est étudié par M. Volkmar avec une attention précise et une admiration enthousiaste. Quand l’esprit du théologien philologue s’acharne à de pareilles recherches, l’exercice de la critique peut nuire au sentiment religieux ; ici les travaux d’exégèse ont été accomplis par d’autres : M. Volkmar se borne à les coordonner. Rien ne l’empêche plus de sentir le caractère unique, la sublimité incomparable de ce premier évangile. « Dans quelle littérature, s’écrie-t-il, trouvera-t-on un tel livre, un livre qui soit si complètement né des profondeurs de l’esprit, et en même temps si simple, si vrai, si réel ? » La critique la plus résolue, la piété la plus tendre se développent donc ensemble dans cette exposition des premiers monumens chrétiens. Voilà l’intérêt inattendu que présente le travail de M. Volkmar. Il semble que le divin caractère de l’enseignement du Christ éclate malgré lui dans ses recherches. Il a beau accepter sur bien des points les résultats extrêmes d’une exégèse hostile, ces résultats se transforment entre ses mains et proclament, quoi qu’il fasse, la divinité du Messie. Après saint Marc, qui a répondu à l’Apocalypse et rétabli contre le christianisme judaïsant le christianisme universel de saint Paul, un autre paulinien continue, sous le nom de saint Luc, cette prédication sublime. Un chrétien judaïsant prend la parole à son tour sous le nom de saint Matthieu ; la lutte se complique, chaque parti a son évangile, jusqu’au jour où un esprit conciliateur s’efforce de terminer ce conflit en donnant toutefois la victoire à la pensée de saint Paul. Ainsi est né le dernier, le plus complet, le plus beau des évangiles, l’évangile du Logos, où le spiritualisme hellénique s’associe aux divins enseignemens sortis de la Judée, et celui qui l’a inscrit sous le nom de saint Jean a manifesté par là l’intention de pacifier les âmes en réunissant dans une même pensée les deux chefs des écoles adverses, les deux grands noms du christianisme primitif. Si on a pu signaler des différences, des contradictions même chez les évangélistes, toutes ces contradictions s’évanouissent, selon M. Volkmar, devant l’histoire de ce développement intérieur.