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métaphysiques ? Il est naturel assurément qu’il y ait un Dieu : cela est conforme aux lois de l’être, la raison le veut, la nature le prouve, et cependant qu’est-ce que Dieu ? qui peut se le représenter ? qui peut comprendre ces deux termes, absolument exigés par la raison et absolument contradictoires pour cette raison bornée : un être personnel et infini ? Ce Dieu sensible à notre cœur, comme le dit admirablement Pascal, nous devons renoncer ici-bas à le voir des yeux de l’esprit. Eh bien ! ce qui est vrai de Dieu dans son éternité est également vrai de Dieu apparaissant dans le temps. Quoi ! nous ignorons ce que c’est que le temps et l’éternité ; nous cherchons encore si ce sont des choses distinctes ou des aspects différens d’une même pensée, et nous osons dire à priori que le Dieu de l’éternité n’a pu paraître dans le temps sans violer les lois de la nature, de cette nature qui est lui-même et que nous ne connaissons pas !

J’entends une objection grave. — Prenez garde, me dit-on, cette théorie des choses incompréhensibles et certaines ouvre la porte au mysticisme. Les argumens dont vous venez de vous servir seront invoqués par tous les visionnaires. — L’objection ne m’arrête pas. Ce que j’ai dit ne saurait s’appliquer à des rêves, mais à des faits établis. La première condition de la science, c’est la vérification des faits. Seulement il arrive trop souvent que la science, trouvant sur son chemin un fait dont elle ne peut rendre compte, le déclare faux, impossible, ou le dénature et le détruit par ses explications. C’est à cette tendance de la critique que j’oppose cette simple réflexion : il y a maintes choses certaines qui sont incompréhensibles pour nous ici-bas ; mais encore une fois, pour que cette objection porte, il faut qu’il s’agisse effectivement de faits réels. La venue du Christ, son, enseignement, son action, le mouvement qu’il a imprimé au monde, sont-ce des faits ? Tout le problème est là.


II

L’Allemagne en ce moment même pose la question de cette manière. Il y a, dans ces grandes écoles de l’exégèse, beaucoup de théologiens qui ne cherchent plus à discuter, à expliquer, mais seulement à exposer les faits : ce sont souvent les hommes les plus hardis. Après avoir traversé résolument ces amas de ruines faites par la critique, ils se sont demandé ce qui demeurait encore debout, et plus d’un parmi eux a été surpris de voir qu’il restait quelque chose d’inexplicable, par conséquent d’inaccessible aux coups de la critique, inconcussum quid, et ce quelque chose, c’est le rôle du Christ, l’action qu’il a exercée sur le monde. Je suis très frappé de ce résultat inattendu des travaux de l’exégèse allemande. M. Strauss avait essayé de substituer le Christ hégélien, ou, en d’autres termes,