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M. Guigniaut, a interrogé, discuté, jugé ces diverses écoles, et M. Renan, avec sa manière à la fois large et ingénieuse, allemande par la science, française par la pensée et le style, résume en quelques pages ces deux grands ordres de travaux : — d’un côté le travail de la conscience religieuse chez les nations antiques, de l’autre le travail de l’érudition moderne, qui en a retrouvé l’histoire.

Ce tableau est fait de main d’ouvrier, comme dit La Bruyère. J’y signalerai seulement une grave lacune. M. Renan a fort bien montré que l’auteur de la Symbolique, en accordant trop de confiance aux interprétations alexandrines, en assimilant trop volontiers la religion grecque aux religions orientales, avait provoqué la réaction de l’hellénisme pur, représentée par Ottfried Müller. Or la lutte des systèmes ne se termine pas là. Une des pensées fondamentales de Greuzer, le rapport de la Grèce avec l’Orient, est reprise en ce moment et développée à un point de vue nouveau par une école très hardie. Le chef de cette école est M. Maximilien Roeth, helléniste et orientaliste consommé, chercheur original, audacieux, ennemi des routes battues, et qui déjà entraîne à sa suite de jeunes esprits vaillamment armés. Le principal ouvrage de M. Roeth, l’Histoire de notre philosophie occidentale, a été un événement dans la littérature allemande. Il a mis en jeu les passions les plus vives, il a excité des transports d’admiration et de colère. Tandis que les disciples d’Ottfried Müller, maîtres des journaux scientifiques, exprimaient leur dédain pour les novateurs, des esprits indépendans et très compétens dans la question (M. Fallmerayer entre autres, l’un des plus fins connaisseurs de la Grèce et de l’Orient) témoignaient de cordiales sympathies à M. Roeth. Un jeune savant, privutdocent à l’université de Heidelberg, où professe aussi M. Roeth, M. le docteur Julius Braun, accomplissait de longs et périlleux voyages pour vérifier sur les lieux mêmes les conjectures de son maître. Il parcourait l’Égypte, la Nubie, la Palestine, et ce que M. Roeth avait entrepris pour les rapports philosophiques de la Grèce et de l’Égypte, il essayait de le faire pour l’architecture et la statuaire.

L’Histoire de l’art de M. Julius Braun, embrassant l’Égypte et la vallée de l’Euphrate, l’Asie-Mineure et le monde hellénique, l’Étrurie et Rome, montrera la Grèce à son rang dans le vaste développement de la civilisation antique, sans lui attribuer, comme Ottfried Müller, une indépendance absolue, une originalité créatrice, démenties, suivant l’école de M. Roeth, par ’incontestables documens. Le premier volume, publié il y a un an à peine, reétrace sous la forme d’un voyage l’Égypte, la Mésopotamie, la Palestine, Memphis et Thèbes, Babylone et Ninive, Persépolis et Suse, Tyr et Jérusalem. C’est une peinture brillante, rapide, pleine de faits, pleine d’idées, où l’on voit apparaître, bien avant la naissance du génie hellénique, la vie