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école historique, subissant l’influence des opinions professées dans les universités tories, s’obstine à ne voir que l’éclat, les joyeux et splendides dehors de ce règne désastreux, dont elle méconnaît de parti pris l’ignominie, les misères. Pour subvenir à ces prodigalités qui l’émerveillent, une effroyable vénalité s’était établie, qui allait de la courtisane titrée mettant à l’encan les emplois publics au monarque lui-même trafiquant de la politique nationale : — peu lui importe. L’absolutisme aux abois ne vivait que d’expédiens ruineux, et préparait ainsi, l’atermoyant de jour en jour, l’insurrection finale : — elle n’y veut pas prendre garde. Dans ses préoccupations monarchiques, tout aussi inconséquentes qu’immorales, cette école applaudit en souriant au froid et voluptueux scepticisme de Charles II, comme si en définitive il ne fallait pas imputer à cet égoïste indolent, à sa lâche inertie, à ses visées restreintes, à ses calculs purement personnels, les longs mécontentemens, les humiliations, le malaise, les sourdes colères dont l’explosion tardive devait rouvrir un jour devant sa race imprudente et perfide les dures voies de l’exil.

La vérité cependant, il faut bien le reconnaître, devient de plus en plus difficile à retenir au fond de son puits. On la veut dans sa nudité emblématique ; on la demande aux documens originaux, aux témoignages contemporains de chaque époque. On la dégage avec soin de ce que les intérêts lésés, les passions du moment ont pu y mêler d’exagération et de mensonge. Or il arrive ceci pour le règne de Charles II : l’idée qu’en peuvent donner les poèmes satiriques de Rochester ou de Buckhurst, — et par ce qu’ils sont en eux-mêmes, — et par les faits, les opinions dont ils perpétuent le souvenir, — cette idée générale se trouve à peine modifiée par l’examen de tout ce que ce règne a laissé derrière lui de vestiges authentiques. L’histoire telle qu’on la restitue aujourd’hui, — prenons pour type, si l’on veut, celle de Macaulay, — plus sobre de détails, plus mesurée d’expression que ces satires effrénées, laisse peut-être de ces temps misérables une image plus sombre encore. La conclusion seule manque à ces récits véridiques, ou pour mieux dire l’historien la laisse à dégager au lecteur. Il est vrai que celui-ci n’éprouve ni grand’peine, ni grand embarras à établir un jugement exact sur un rapport si lumineux.

En demandant à Rochester, — comme nous aurions pu le demander aux autres écrivains de son temps et de sa caste, — ce que furent les plus belles années du règne de Charles II, nous avons invoqué de tous les témoignages le moins suspect. Sous ce règne en effet, la plus haute place, les privilèges les plus enviables étaient accordés aux hommes de ce rang, de ce tempérament, de ce caractère. En montrant que ces favoris de cour, ces mignons de la monarchie, — las des désordres au sein desquels elle les faisait vivre, tout en les