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la sagacité du benoît lecteur. En somme, c’est là un recueil devant lequel pâlissent nos cabinets satiriques du temps passé. Les poètes de l’école des goinfres, — les Régnier et les Théophile, — voire leurs plus grossiers disciples, — Frénide et Colletet, Maynard et Molin, Berthelot et Sigogne, — en eussent désavoué la paternité vraiment effrayante. Il y a là des pièces qui, pour nous servir d’une expression du regrettable historien de Louis XIII, M. Bazin, « feraient jeter un homme, par les épaules, hors d’un corps-de-garde. » Ceci bien dit et bien établi, qu’on juge de notre étonnement à l’aspect d’une vraie perle de sentiment perdue en ce vil fumier. Ramassons-la précieusement au passage.

Trois duchesses de Richmond ont vécu à la cour de Charles II. La plus connue des trois est cette belle miss Stewart dont Hamilton nous a raconté les coquettes hésitations, laissé entrevoir la chute, et qui, s’il faut prendre au mot ses insinuations légèrement suspectes, n’épousa pas le duc de Richmond, — comme l’ont affirmé d’après elle quelques âmes charitables, — pour se soustraire aux périls que courait sa vertu assiégée par un monarque très entreprenant. Elle aurait eu pour cela, sinon de meilleures raisons, au moins de bien plus puissantes. Quoi qu’il en soit, ce n’est ni d’elle, ni d’Anne Brudenell, également duchesse de Richmond[1], que nous allons avoir à nous occuper, mais bien de Mary Villiers, sœur du duc de Buckingham[2]. C’était une personne d’esprit et d’intrigue, tenant à la famille royale par son premier mariage et qui, enhardie par la faveur toute spéciale dont jouissait son frère, prétendait à une part d’influence dans les « affaires d’état. » L’ascendant de la duchesse de Portsmouth étant une de ces affaires, — et des plus graves, — il était certes bien permis à une femme, — à une femme sans scrupules, — de se mêler aussi à une politique d’alcôve et de boudoir. Ainsi fit-elle, employant les armes usitées en pareilles guerres et cherchant à combattre par une passion nouvelle un amour qu’on pouvait croire épuisé. Or, parmi les parens que lui avait donnés son alliance avec Thomas Howard, l’intrigueuse[3] duchesse comptait un baronet catholique du Yorkshire, sir John Lawson, marié à la sœur aînée de Thomas Howard, Catherine Howard, fille du comte de Carlisle. Ce baronet avait cinq filles, ainsi devenues

  1. Lady Bellasys ; elle était sœur de la célèbre comtesse de Newburgh, la Mira de lord Lansdowne. Elle épousa en secondes noces Charles Lennox, duc de Richmond. C’est d’elle que descend le duc actuel.
  2. Elle devint en secondes noces la femme de ce Thomas Howard dont il est question dans les Mémoires de Grammont, à propos de lady Shrewsbury.
  3. Adjectif du temps, après tout plus respectueux que celui par lequel nous l’avons remplacé.